Le marché de l’enfant d’occasion
Sam, 10 ans, est un rescapé. Né en Chine, il est abandonné par ses parents biologiques. Après quatre années d’attente et de procédures, il est adopté par une famille étasunienne. Mais Sam ne répond finalement pas aux attentes de ses nouveaux parents: un enfant ainsi adopté développe souvent des troubles du comportement comme de la violence, diverses formes d’incontinences ou une peur incontrôlée de l’abandon. Qu’à cela ne tienne, puisqu’aux Etats-Unis, il est possible de mettre son enfant sur le marché de l’occasion!
«Donnée» cinq fois, Nita confirme: «J’avais peur, (…) je ne savais pas avec qui j’allais habiter, ni dans quelle ville, j’étais envoyée comme ça, à n’importe qui, comme on envoie un colis par la poste.» C’est un marché sous-marin, en marge de la loi, qui permet de se séparer de l’enfant et de le proposer à la ré-adoption (rehoming) par une autre famille. Des annonces rédigées sur le net mettent ainsi les petits en vente: Amanda, 5 ans, yeux bleus, adore les puzzles (4500$); Jeremy, 9 ans, boute-en-train (2750$); Jason, 12 ans, aime la pizza et le base-ball (2400$).
Les Etasuniens considèrent qu’une adoption qui ne fonctionne pas, c’est comme un mauvais mariage: il suffit de divorcer! Dès lors, certains bambins sont adoptés trois, quatre ou cinq fois. Environ 25 000 enfants sont vendus ou échangés chaque année aux USA, sans aucun regard des services sociaux. Il est facile d’imaginer les déviances qui peuvent résulter de telles pratiques. Les cas de maltraitance ou d’abus sexuels ne sont pas rares.
Mc Lie, 9 ans, fait partie des moins chanceux. Personne ne l’a adopté. Il va alors essayer de se vendre lui-même, sur des chaînes de télévision ou de radio. Ce n’est qu’en dernier recours que l’Etat américain interviendra pour placer les laissés-pour-compte, car les candidats à l’adoption sont bien plus nombreux que les familles prêtes à les accueillir.
Les Etats-Unis n’ont pas ratifié la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Une timide prise de conscience voit pourtant le jour dans la société américaine, suite à la révélation de plusieurs scandales. S’il est encore difficile d’espérer une législation stricte pour lutter contre ces pratiques au niveau national, dix Etats ont déjà pris les devants: il y est désormais interdit de procéder à un transfert de garde sans passer devant un juge. Pour sa part, James Langevin, député lui-même adopté, a déposé un projet de loi nationale pour interdire le rehoming et milite pour que «la première adoption soit la seule».
Aujourd’hui, Sam va bien. Il a été adopté par une famille qui compte déjà 7 enfants, tous adoptés! Ils se reconstruisent, dans la ferme familiale où chacun met la main à la pâte et reprend confiance en la vie et en ses semblables.
* Institut international des droits de l’enfant, www.childsrights.org