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Affaissement de notre humanité

Affaissement de notre humanité
L'eau potable fait cruellement défaut au Soudan. KEYSTONE-ARCHIVES
Coopération suisse

Un peu moins généreuse chaque année? Alors qu’elle avait progressé au début des années 2010 sous la pression des ONG, l’aide publique de la Confédération en faveur des pays pauvres diminue depuis deux ans. Ce sont 120 millions de francs de moins qui ont été consacrés à la coopération au développement à proprement parler en 2017 par rapport à l’année précédente. Si l’on exclut les coûts de l’asile – qui sont étrangement inclus dans les chiffres la concernant –, la Suisse n’a consacré que 0,41% de son budget à soulager quelque peu la misère de par le monde. On est loin de l’objectif affiché de 0,7% fixé par les Nations Unies. Et 2018 continuera dans la même lancée dégressive.

A quoi sont dues ces restrictions, pourtant en contradiction avec les engagements pris par le parlement en 2011, puis réitérés l’automne dernier? Une «politique d’austérité» décidée par la majorité de droite du même hémicycle au nom du très commode frein à l’endettement et d’une infinie prudence face à d’éventuelles années de vaches maigres à venir. Car l’argument des caisses vides ne peut décemment plus être mis sur le tapis. Les comptes consolidés de la Confédération se sont soldés cette année sur un résultat annuel positif de 9,1 milliards de francs, annonçait hier la Chancellerie fédérale, soit une amélioration de 3,8 milliards par rapport à 2016. Le budget fédéral 2018 prévoit quant à lui un excédent avoisinant les 5 milliards de francs.

Dans ce contexte, réduire le soutien apporté aux plus démunis pour économiser quelques dizaines de millions apparaît dans toute son indécence. D’autant que les coupes dans la coopération constituent 20% des mesures d’économies du budget 2018. Ce qui, sur le terrain, signifie moins de personnes alphabétisées, moins de paysans soutenus dans des régions où sévit la malnutrition, moins de programmes en faveur de la paix dans des pays en conflit, davantage d’habitants consommant de l’eau insalubre, etc.

Un travail accompli par la main gauche de l’Etat qui ne parvient cependant pas à compenser les dégâts menés par son bras droit: politique favorisant l’évasion fiscale pratiquée par les nantis des pays pauvres, rapatriement intégral des bénéfices des multinationales ayant leur siège en Suisse, soutien aveugle à des géants comme Glencore et Nestlé, privant des milliers de personnes de l’accès à l’eau ou générant de l’insécurité pour les défenseurs des droits humains.

Si l’aide publique au développement est imparfaite, parfois intéressée et instrumentalisée, elle se doit pourtant d’être défendue comme l’une des preuves, malgré tout, de l’humanité de notre très riche Helvétie.

Opinions Christophe Koessler Coopération suisse

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