Le «Lamarck bashing» continue…
Jean Lamarck (son nom de révolutionnaire, je vous épargne ses titres et particules d’avant et après) a eu le tort de s’inspirer de son maître Buffon en adhérant à l’idée de l’apparition par transformation des espèces et d’enseigner l’essentiel de la théorie de l’évolution en 1800, publié en 1801, puis 1809, année de la naissance de Charles Darwin!
Une religion anglo-saxonne, aussi fondamentaliste qu’émergente, veut tout attribuer de l’invention de cette théorie à ce dernier. Selon elle, Darwin serait le père, disons plutôt le prophète puisqu’il n’y aurait pas eu de grand-père, de la biologie. Biologie?… Un mot trouvé par Lamarck pour désigner «ce qui est commun aux plantes et aux animaux». Un prophète, on construit une légende autour de lui: des contes, des récits épiques, des romans, des cultes, des émissions de télé, des films, des vidéos, des MOOCS universitaires, des expositions de musées, des chapitres de manuels scolaires. Darwin a tout cela et, dans des films somptueux, le playboy qui l’incarne débarque à vingt ans aux îles Galapagos, regarde les pinsons et s’écrie «Fiat Lux, Eureka! Les espèces descendent les unes des autres par adaptation au milieu, depuis les formes de vie les plus simples». En fait, l’histoire des sciences montre aux Galapagos un jeune Darwin écervelé, chevauchant les tortues pour tirer sur les pinsons, dont il envoyait les dépouilles, dans le désordre, à des spécialistes anglais.
S’inspirant de pages autocensurées de Buffon (que le catholicisme supportait mal, même présentées comme «hypothèses absurdes»), Lamarck avait donc écrit l’essentiel huit ans avant la naissance du prophète, cinquante-huit ans avant qu’il ne publie L’Origine des espèces… Il doublait d’ailleurs, avec cynisme, son jeune compatriote Wallace, qui lui avait naïvement envoyé un manuscrit antérieur.
Un prophète ne veut pas de prédécesseurs. Ayant admis, dans une préface, que Lamarck avait eu quelques idées, Darwin s’est acharné à montrer qu’il s’était trompé, que sa théorie était fausse. Un thème rabâché depuis par les bigots darwiniens, qui reprochent à Lamarck d’avoir cru à l’hérédité biologique de caractères acquis en une génération (exemple du cou de la girafe qui broute les arbres), tandis que Darwin aurait vu juste avec la théorie de la sélection naturelle. Un mensonge que l’on retrouve depuis un siècle dans les manuels scolaires – et jusque dans un manuscrit pour la presse ados qu’on vient de me soumettre et qui reprenait l’évangile darwinien!
S’il est vrai que, s’inspirant de Malthus, Darwin et Wallace ont proposé la théorie de la sélection naturelle, celle-ci n’est qu’un élément de la théorie de l’évolution. L’essentiel est la démonstration que toutes les espèces descendent les unes des autres, dans une généalogie unique, étalée sur des centaines de millions d’années. Ce qui réfute le dogme judéo-christiano- islamique de la création divine indépendante et simultanée des espèces il y a six mille ans. De plus, comme tout le monde à l’époque, Darwin croyait à la transmission génétique directe de l’acquis, justifiée par sa théorie pseudo-génétique fausse de la «pangenèse» (1868). Ce n’est qu’après la mort de Darwin que Weismann montrera qu’il n’y a pas transmission génétique des caractères acquis.
Dans un livre très vivant1>Et Lamarck créa Darwin, Fabien Gruhier, Ed. Slatkine, avril 2018., Fabien Gruhier reconstitue la vie mouvementée de Lamarck à travers la royauté, la Révolution française, l’Empire et la Restauration. Il montre comment l’oppression religieuse l’a voué aux maltraitances professionnelles infligées par les riches, puissants et croyants. La diffamation continue, deux siècles après sa mort, de la part des grenouilles de bénitiers darwiniens. Darwin a certes apporté beaucoup, mais n’est que l’un, pas le premier ni le dernier, des multiples auteurs qui nous ont construit une représentation scientifique sans cesse améliorée du monde vivant, de son histoire et ses origines, réfutant sans ambiguïté tous les fakes religieux sur le sujet.
Notes
* Chroniqueur énervant.