L’accès des femmes à la santé: un enjeu toujours d’actualité
Dans les pays en développement, les discriminations que subissent les femmes impactent plusieurs aspects de leur vie quotidienne. Même si des améliorations ont été apportées ces dernières années, «beaucoup trop de femmes dans le monde n’ont encore que peu ou pas accès à des services de santé de qualité essentiels et à l’éducation, à de l’air non pollué et à de l’eau potable, à des moyens d’assainissement suffisants et à une bonne alimentation. Elles sont exposées à la violence et à la discrimination, incapables de participer pleinement à la société et empêchées par d’autres obstacles de jouir de leurs droits fondamentaux», selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Ainsi, plus de 300 000 femmes décèdent encore chaque année de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement. Ce sont elles aussi qui paient le plus lourd tribut à l’épidémie VIH/SIDA dans la région subsaharienne, sans compter le risque de contamination à leur bébé à naître que cela comporte. De plus, dans la plupart des pays, ce sont elles qui cuisinent, et lorsqu’elles utilisent des feux ouverts ou des réchauds traditionnels, elles respirent quotidiennement un mélange de centaines de polluants. Cette fumée intérieure est responsable d’un demi-million des 1,3 million de décès annuels provoqués dans le monde par la bronchopathie chronique obstructive, souvent mal diagnostiquée et pas traitée chez les femmes.
Mais il y a d’autres discriminations, dans la mesure où le genre peine encore à être bien pris en considération comme un déterminant de santé essentiel, même si on en parle depuis bientôt vingt ans. Il est par exemple incroyable que, encore de nos jours, dans les essais cliniques de médicaments, les femmes ne représentent en moyenne que 25% des personnes incluses, ce qui peut biaiser les résultats sur l’efficacité et la sûreté de nombreux médicaments sur elles.
De même, les études montrent que le diagnostic des maladies cardiovasculaires comme l’infarctus, dans les urgences des hôpitaux, est sous-évalué chez les femmes et le retard dans la prise en charge entraîne une surmortalité de 10% par rapport aux hommes. C’est dû à la représentation que l’on se fait, même parmi les soignants, de cette maladie qui serait l’apanage des hommes cadres et stressés, alors que les maladies cardiovasculaires sont beaucoup plus fréquentes chez les femmes que le cancer du sein, par exemple! Même dans la santé au travail, l’essentiel des études portent sur une activité professionnelle en tant que telle, alors que, ce qui pose peut-être le plus de problème de santé pour les femmes, c’est la multiplicité des tâches assumées dans une seule journée.
Par ailleurs, une étude québécoise récente démontre que, dans la recherche médicale, les femmes sont non seulement moins nombreuses à travailler, mais en plus elles sont proportionnellement moins citées que leurs collègues mâles par leurs pairs, probablement parce qu’elles sont moins souvent à la tête d’un groupe de recherche: c’est un biais d’analyse que l’on n’a pas étudié, semble-t-il.
Doit-on enfin rappeler que, encore aujourd’hui, la majorité des postes à responsabilité en gynécologie et obstétrique sont aux mains d’hommes et que ceux-ci, drapés dans leurs certitudes, continuent à prôner des accouchements hautement médicalisés1>Cf. l’éditorial de O. P. Irion et P. Mathevet «Médicalisation de l’obstétrique: encore un effort!», Revue médicale suisse n° 580, 27 octobre 2017., au prix d’un taux de césariennes parfois plus du double de ce qui est considéré comme idéal par l’OMS: faudra-t-il qu’une femme accède à ces responsabilités pour prendre ce problème au sérieux et reconnaître peut-être aux sages-femmes des compétences que les médecins n’ont pas?
En ce 8 mars, il vaut la peine de rappeler que l’amélioration de la santé des femmes est importante pour les femmes, pour leur famille, pour leur communauté et pour l’ensemble de la société. Améliorer la santé des femmes, c’est rendre le monde meilleur, comme le rappelle l’OMS dans son rapport «les femmes et la santé» de 2009.
Notes
* Pédiatre FMH et membre du comité E-Changer, ONG suisse romande de coopération.