Édito

Yes billag

Yes billag
Les Suisses ont rejeté l'initiative No Billag le 4 mars 2018. (KEYSTONE/Salvatore Di Nolfi)
Suisse

Un raz-de-marée: près de 72% des Suisses et tous les cantons ont rejeté l’initiative No Billag qui aurait signifié la mort du service public audiovisuel helvétique. Une claque pour l’UDC et l’Union suisse des arts et métiers (USAM) qui soutenaient ce texte.

Au-delà de la défaite tactique pour l’extrême droite – qui disposait pourtant du discret soutien de certains éditeurs –, cette campagne a aussi participé d’une stratégie du dévoilement et marque un échec stratégique. La clique blochérienne a montré son peu d’attachement à la cohésion nationale et à la solidarité linguistique. Pas sûr que son électorat ait apprécié ce comportement de «mauvais Suisses», pour reprendre sa rhétorique.

Dimanche, le ton était au soulagement, quand bien même le résultat était annoncé depuis des semaines. Mais ce vote ne doit pas faire illusion. Pour deux raisons au moins. Tout d’abord, les milieux les plus réactionnaires vont revenir à la charge. Qui avec une redevance revue à la baisse, qui avec de brillantes idées pour récupérer une partie du pactole au profit d’opérateurs et d’éditeurs du privé, par exemple en contingentant la publicité après 22h. Et la SSR n’est pas à l’abri des critiques: salaire de ministres servis à ses administrateurs et à ses cadres ou politique éditoriale tendant à défendre une vision servant les grands partis au détriment de la société civile: les raisons du mécontentement sont réelles.

Ensuite, car une grande redistribution des cartes est en cours dans la galaxie des médias. Le rachat de Goldbach par Tamedia marque la volonté des grands groupes de presse écrite de jouer aussi dans la cour de l’audiovisuel. Il n’y a plus d’argent pour payer les journalistes à fournir du contenu; en revanche, 216 millions ont été dépensés pour reprendre la régie publicitaire des lucarnes télévisuelles.

Pendant ce temps, la diversité des titres est mise à mal, les journaux ferment, fusionnent et peinent à assumer leur rôle en matière de débat démocratique. Ne parlons même pas de l’Agence télégraphique suisse (ats), en crise profonde face aux velléités des éditeurs-propriétaires de supprimer un quart de ses effectifs tout en la faisant cracher au bassinet.

La question d’une aide aux médias va revenir sur le devant de la scène. Il sera important, alors, de parvenir à capitaliser sur cette campagne et de ne pas se laisser instrumentaliser dans le cadre des stratégies industrielles des grands éditeurs qui n’ont qu’un seul objectif: garantir des rendements plus que substantiels – 15% chez Tamedia – à leurs actionnaires et qui abandonnent à d’autres le souci d’alimenter le débat démocratique. Cette question a été glissée sous le tapis. Il va falloir enfoncer le clou pour la faire entrer dans la tête du monde politique peu au fait de l’économie de la presse.

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