Chroniques

Traumatismes en chaîne

Sans voix, ni droits

Zîn* a fui la guerre en Irak il y a huit ans. Elle a d’abord présenté une demande d’asile aux Pays-Bas qui l’ont refusée. En vue d’être renvoyée, elle a été placée en détention administrative. Au bout de huit mois, les autorités hollandaises ont décidé de la libérer. Ne se sentant pas en sécurité dans ce pays qui l’a emprisonnée sans qu’elle comprenne pourquoi, elle part pour l’Allemagne où elle dépose une autre demande d’asile qui est aussitôt refusée.

Là, elle tombe amoureuse d’un homme et se retrouve enceinte. Son compagnon se montre vite violent envers elle et envers leur bébé. A deux reprises, elle fuit le foyer pour requérants d’asile et se rend à la police pour demander de l’aide. Mais la police n’intervient pas, ni les responsables du foyer. Afin de se mettre en sécurité et pour donner une vie meilleure à son fils, elle vient en Suisse en 2017 où une demande de non-entrée en matière est immédiatement prononcée. Psychiquement cassée, avec des idées suicidaires, elle est hospitalisée à plusieurs reprises.

Une nuit, à 4  heures du matin, huit policiers, un interprète et un médecin font irruption dans la chambre de Zîn et de son fils. Contrainte à prendre des calmants, menottée et interdite de consoler son garçon, elle est embarquée et amenée à Genève. A l’aéroport, les policiers cachent ses mains avec un foulard; pour ne choquer personne, ou pour ne provoquer aucun élan de solidarité ou de révolte face à cette frêle femme entravée comme une criminelle. Dans l’avion, elle ne peut pas s’asseoir à côté de son fils. L’enfant est terrifié. Une fois arrivée en Allemagne, on lui donne l’adresse du centre d’accueil de requérant-e-s et un peu d’argent. Elle doit se rendre là-bas par ses propres moyens.

Lorsque les responsables du centre d’accueil l’informent qu’elle va être transférée dans son ancien foyer, là où vit son ex-compagnon violent, elle part et… revient en Suisse pour déposer une nouvelle demande d’asile. Complètement traumatisée par tous ces évènements, elle doit être à nouveau hospitalisée. Ses chances d’obtenir l’asile en Suisse restent maigres.

Appel d’elles en campagne

Le 8 mars prochain, le collectif Appel d’elles ira remettre au Conseil fédéral une requête pour la protection des femmes et des enfants qui demandent l’asile en Suisse. Jusqu’à cette date, vous pouvez signer l’appel sur le site www.appeldelles.ch

Le système actuel fait que les violences subies par les femmes ne sont pas prises en compte par les mécanismes de l’asile. Leurs droits élémentaires sont bafoués parce qu’on refuse de les entendre. Pour faire connaitre les situations de ces femmes, quelques-uns de leurs témoignages seront publiés en page Regards jusqu’au 8 mars. Nous vous invitons à les relayer à travers l’action «carte postale» en ligne sur le site du collectif.

Collectif Appel d’elles, www.appeldelles.ch
avec le soutien du Courrier.

* Prénom fictif.

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mardi 23 janvier 2018

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