Chroniques

Un endroit où se poser

Le collectif Appel d’Elles raconte la nécessité d’un lieu sûr après le calvaire de l’exil.
Sans voix, ni droits

Lucy*, de mère érythréenne et de père éthiopien mort au combat, est née en Ethiopie. A la suite d’intimidations policières et peu après la naissance d’un enfant hors mariage avec un homme auquel elle était promise mais qui n’a pas reconnu l’enfant, elle quitte le pays à 20 ans. Après dix ans de servitude domestique dans une famille soudanaise, elle s’enfuit, traverse le désert, la Méditerranée puis l’Italie et arrive en Suisse, où elle dépose une demande d’asile.

Attribuée à Schaffhouse, elle quitte le canton et s’installe à Genève. Elle recevra une décision de non-entrée en matière. Des raisons personnelles qu’elle n’arrive pas à exprimer l’empêchent de retourner à Schaffhouse, canton où elle pourrait toucher l’aide d’urgence. Depuis dix ans qu’elle y réside, elle a créé sa vie et son réseau à Genève. Malgré des problèmes de santé et un suivi médical, elle n’a depuis 2016 plus droit à la moindre aide, les autorités l’exhortant à retourner à Schaffhouse.

***

Selam*, une jeune Erythréenne réfugiée avec son mari au Sud-Soudan entre 2013 et 2016, décide de reprendre la route de l’exil pour protéger ses enfants. Dans l’espoir de pouvoir le faire venir en Europe plus tard, elle confie son fils aîné à sa mère.

Commence alors un voyage de plusieurs mois, très éprouvant pour sa petite fille et elle, enceinte de trois mois: Juba-Khartoum-Libye-Italie. Elles resteront bloquées en Libye durant quatre mois, quotidiennement maltraitées: «Je devais rester assise à même le sol, et chaque fois que je me levais, j’étais battue.»

Elles arriveront épuisées et malades en Italie où elles ne recevront ni soins ni logis. Après plusieurs semaines passées dans les rues de Rome et de Milan, elles parviennent en Suisse. Selam dépose une demande d’asile. Mais pour la Suisse, c’est l’Italie qui est responsable pour accorder ou non l’asile.

Selam ne veut pas retourner dans un pays qui n’a pas pu lui apporter d’aide. Elle veut accoucher en Suisse où elle se sent en sécurité, allaiter son bébé et s’occuper de la «grande» qui, entre temps, a eu deux ans et sait maintenant marcher… Son mari n’a pas pu la rejoindre, faute de moyens. Son fils aîné non plus. Après ce qu’elle a vécu en Italie et durant tout son voyage, Selam ne peut pas envisager un départ.

* Prénoms fictifs.

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mardi 23 janvier 2018

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