Édito

Ne lâchons pas les Kurdes

Ne lâchons pas les Kurdes
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a lancé samedi ses avions et dimanche ses chars contre le Rojava, le Kurdistan syrien autonome. EPA/SEDAT SUNA
Proche-Orient

Fuite en avant ou plan longuement élaboré, l’offensive turque contre la ville kurdo-syrienne d’Afrine était attendue et redoutée. Au risque d’embraser à nouveau l’Anatolie, le président turc a donc lancé samedi ses avions et, semble-t-il, dimanche ses chars contre le Rojava, le Kurdistan syrien autonome. Plus précisément, contre sa partie située au nord d’Alep, Afrine, le premier district kurdo-syrien à s’être libéré en 2012 du joug de Bachar el-Assad. Jusqu’à samedi, cette zone vallonnée à très forte population kurde était un havre de paix pour ses habitants et des dizaines de milliers de réfugiés, protégés par l’armée du Rojava, l’YPG, contre les milices islamistes alépines, notamment celles formées par Ankara. En deux jours, des dizaines de civils ont déjà payé le prix des bombardements de l’armée turque.

Quasiment encerclé par les forces pro-turques malgré leur échec d’Alep, le réduit kurde pourra-t-il résister? Aguerris, les combattants de l’YPG ont prouvé face à Daech leur détermination et l’importance que peut avoir l’avantage du terrain. Mais ils devront cette fois agir seuls. Visiblement, il ne faudra compter ni sur Washington ni sur Moscou pour freiner l’ambition débordante et la soif de pouvoir du nouveau sultan ottoman. En difficulté dans l’opinion turque, Recep Tayyip Erdogan joue là un atout maître pour mobiliser ses troupes et affaiblir encore cette minorité kurde par trop indocile. Qu’il n’hésite pas à menacer «d’un prix très élevé» si elle «commettait l’erreur de sortir dans la rue» pour dénoncer sa politique. Un président d’un pays membre de l’OTAN, qui faisait ce week-end scander des versets coraniques de conquête dans les mosquées de Turquie, tandis que Donald Trump regardait ailleurs et que Vladimir Poutine estimait urgent d’attendre.

Ce lâchage, à défaut d’en être surpris, les Kurdes, héros de la lutte contre l’Etat islamique et autres officines djihadistes, peuvent bien le trouver saumâtre. Eternels cocus de la géopolitique, ils ne devront au final compter que sur eux-mêmes et, peut-être, sur une mobilisation de la société civile.

Rare voix discordante, la France appelait hier à un arrêt des hostilités et demandait une réunion du Conseil de sécurité. Une initiative à soutenir d’urgence.

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