Chroniques

Parcours de santé ou parcours du combattant?

À votre santé!

Laissez-moi vous raconter l’histoire d’une jeune femme de 24 ans souffrant depuis quelques années de douleurs chroniques qui l’ont déjà fait rencontrer des spécialistes du sport, puis une gynécologue qui suspecte une éventuelle endométriose. Elle fait faire à sa patiente une IRM compatible avec ce diagnostic qui, soit dit en passant, touche une femme sur dix en âge de procréer et se manifeste principalement par de la douleur et parfois de l’infertilité. Elle l’adresse alors au Centre d’endométriose des Hôpitaux universitaires genevois (HUG), pour s’assurer du diagnostic. Comme nous le dit leur plaquette d’information, «les HUG ont mis en place, en 2016, un centre spécialisé afin de garantir aux femmes souffrant d’endométriose une prise en charge multidisciplinaire à chacune des étapes de la maladie. Il coordonne toutes les disciplines médicales concernées pour établir le diagnostic, effectuer le traitement et assurer le suivi des patientes».

On est en décembre 2016 et un rendez-vous est organisé en mars 2017. Hélas, à cette date, le médecin prévu n’est pas là. «Mais Madame, on ne peut vous avoir donné un rendez-vous ce jour-là, le Dr X ne consulte jamais les mardis», lui dit-on. Heureusement un collègue est disponible. Il ne trouve pas le dossier transmis, mais confirme l’hypothèse diagnostique et redonne à la jeune femme un rendez-vous trois mois plus tard.

Lorsqu’il revoit la patiente, l’IRM faite à Lausanne ne lui semble pas claire. Il propose d’en refaire une aux HUG… deux mois plus tard. La nouvelle IRM est, à ses yeux, suffisamment suggestive pour qu’il propose une laparoscopie – soit une intervention chirurgicale de confirmation diagnostique – qu’il programme… trois mois plus tard, soit tout récemment.

Après l’opération, au réveil de sa patiente, le médecin lui dit qu’il n’est pas sûr que ses douleurs ont vraiment un lien avec ce qu’il a trouvé, mais sa secrétaire confirme par téléphone dix jours plus tard que l’examen des tissus prélevés démontre bien qu’il y a endométriose, qu’elle recevra une ordonnance prescrivant une médication à prendre et que le docteur lui expliquera tout lors du prochain rendez-vous… en février 2018. Cette histoire suggère quelques commentaires.

L’approche multidisciplinaire prônée par le centre des HUG a totalement manqué dans la prise en charge de cette jeune femme. Certes, une infirmière lui a remis des informations sur des associations de patientes atteintes d’endométriose, mais à un moment où le diagnostic n’était pas encore posé; à part cela, rien ne lui a été proposé.

On peut et on doit s’étonner des délais d’attente – il se sera passé onze mois entre le premier rendez-vous et la synthèse encore à venir – et sur la manière de communiquer les conclusions diagnostiques et les propositions de prise en charge, dans une situation de douleurs chroniques qui rendent les personnes forcément plus vulnérables psychologiquement.

On peut s’interroger également sur la collaboration avec le médecin-traitant ou envoyeur, au regard des rendez-vous manqués ou des IRM dénigrées parce que faites «ailleurs», soit autant de facteurs repoussant les décisions. L’agenda du spécialiste n’est certes pas extensible, cependant rien n’est fait pour activer le processus, pris dans une spirale bureaucratique où les patients sont emportés et sur lequel ils n’ont pas prise.

On peut aussi se poser la question de la pertinence du rendez-vous aux HUG trois mois après l’intervention: ne serait-il pas plus logique que le spécialiste communique les résultats trouvés au médecin de premier recours et fasse une proposition thérapeutique? Que ce dernier, qui connaît bien la patiente, puisse discuter et commenter tranquillement, mais rapidement, en analysant la situation avec sa vision plus holistique et en l’intégrant dans l’histoire propre de la jeune femme?
On pourrait même se demander pourquoi une maladie qui touche, si l’on veut croire les statistiques, une femme sur dix a besoin d’un centre spécialisé pour sa prise en charge multidisciplinaire. Mais c’est encore un autre débat.

Je ne voudrais pas conclure mon propos sans dire que je ne doute pas de la compétence de l’équipe des HUG. Mais je voulais, par cet exemple, illustrer une problématique d’organisation des soins qui rend parfois la vie des patients plus compliquée qu’elle ne devrait, et qui montre que, même dans un système de santé plutôt performant, il y a peut-être des failles!
 

Opinions Chroniques Bernard Borel

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lundi 8 janvier 2018

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