Édito

Vingt-cinq ans après le «Swissexit»

Europe

Il y a vingt-cinq ans, un séisme secouait la Suisse. Le 6 décembre 1992, le peuple refusait l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen (EEE). A une courte majorité du peuple (50,3 %), mais à une relativement large majorité des cantons (quatorze cantons et quatre demi-cantons sur vingt-six).

Un vote allant contre l’avis de la plupart des partis institutionnels. Seule l’UDC avait mené bataille contre cette adhésion. Ce scrutin a été un point de bascule. A droite, il a certes fragmenté le camp bourgeois. L’UDC s’en est retrouvée renforcée. D’abord au détriment du bloc bourgeois traditionnel (PDC, radicaux et libéraux). Mais aussi de la gauche, qui peine à être audible sur ce sujet.

Pendant une bonne décennie, l’adhésion de la Suisse à l’Europe a été un projet politique vu comme progressiste, garant d’une société ouverte. Mais dès les années 2000, l’euroscepticisme a gagné du terrain. Une intégration à l’Union européenne ne fait plus rêver. Ce qui peut s’expliquer à l’étranger par une série de déficits. Démocratique, tout d’abord. En France, la nomenklatura politique a court-circuité le vote sur le Traité constitutionnel européen. Refusé par le peuple – cet ingrat –, il a été remplacé par un couper-coller: le Traité de Lisbonne.

Le rôle néfaste joué par les institutions financières européennes pour relancer une économie dynamitée par la crise des subprimes n’a pas contribué à restaurer la confiance populaire quant aux bienfaits de Bruxelles. La mise à genoux de la Grèce a eu un petit côté totalitaire. Et ne parlons même pas du Brexit. La crise politique est profonde.

Cet eurosceptisme se retrouve en Suisse aussi. On peut bien sûr être consterné, voire craindre le repli raciste et antisocial que nous sert l’UDC et un pan de plus en plus large du camp bourgeois.

Mais il a aussi ouvert des perspectives. La catastrophe annoncée en cas de non n’a pas eu lieu. Du coup, une certaine tendance à suivre aveuglément les élites politiques a vécu: les Suisse osent aller dans le sens contraire de ce que préconisent des majorités parfois écrasantes. La recomposition du champ politique initiée par ce vote est loin d’être terminée.

Ce qui est assez logique: elle se manifeste également en France avec l’effondrement des partis traditionnels, en Allemagne avec la paralysie politique d’Angela Merkel ou en Grande-Bretagne. En Suisse, elle prend simplement d’autres formes au vu des caractéristiques institutionnelles. I

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