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Accueillir et octroyer des droits

Les organisations de défense des droits humains remettront le 20 novembre au Conseil fédéral un appel contre l’application aveugle des accords de Dublin fort de quelque 30 000 signatures. Une marche pour la dignité humaineLa marche passera par Lausanne (17 et 18 nov.), Rolle (le 19), Nyon (le 20) et Genève (21 au 23 nov.), http://bainvegnifugitivsmarsch.ch/accueil/ Dans ce cadre, Lisa Bosia sera à Genève et participera le 22 nov. à une soirée film/discussion organisée au Cinélux. Projection à 19h: Just about my fingers de Paolo Martino. Entrée: 10 francs. sillonne la Suisse jusqu’à la fin novembre pour appeler à une autre politique d’asile. Dans ce contexte, des voix réclament également l’octroi des droits politiques aux étrangers dépourvus du passeport à croix blanche.
Droits politiques

Un quart de la population suisse est actuellement privée, pour ainsi dire, de participation démocratique. Les étranger-ère-s qui résident en Suisse et sont dépourvu-e-s de passeport à croix blanche disposent en effet du droit de vote au niveau cantonal et communal dans seulement deux cantons – Jura et Neuchâtel. Au niveau cantonal, quatre cantons – Jura, Neuchâtel, Fribourg et Vaud – octroient aux étranger-ère-s les droits de vote complets et, à Genève, ceux-ci peuvent voter et élire dans les communes. Mais, malheureusement, ne peuvent pas y être élu-e-s. Trois cantons de Suisse alémanique – Appenzell Rhodes-Extérieures, Bâle-Ville et les Grisons – permettent à ce jour à leurs communes d’introduire le droit de vote des étrangers.

Dans tous les cantons et communes de Suisse, des voix s’élèvent pour revendiquer l’acquisition des droits politiques pour toutes et tous, y compris pour les étrangers résidant sur le territoire suisse. Le critère de durée de séjour pour une telle obtention devrait être uniforme et fixé par le parlement fédéral.
La naturalisation constitue certes un processus important pour acquérir des droits politiques complets, le droit à la ­liberté d’établissement et la liberté de déplacement. A cause d’un durcissement des conditions de la naturalisation ordinaire, dans certains cantons comme Genève, les autorités encouragent actuellement les candidats à accélérer leurs demandes de naturalisation. La naturalisation en Suisse est un processus complexe, marqué par des disparités cantonales. Des dysfonctionnements à l’échelle de certains cantons et de certaines communes sont régulièrement mis en évidence. Globalement, malheureusement, la tendance n’est, semble-t-il, ni à la facilitation, ni à la rationalisation du processus de naturalisation.

Cependant, la question de la naturalisation ne peut pas être séparée de la question de la participation des étrangers à la collectivité. L’inclusion citoyenne de tou-te-s les habitant-e-s de notre pays implique que des progrès soient réalisés en matière de droit de vote et d’éligibilité des étrangers. Toute la population résidante devrait posséder les moyens légaux suffisants pour participer à la vie sociale. Plusieurs enquêtes l’indiquent: l’octroi du droit de vote aux étrangers au niveau communal et cantonal pourrait constituer aussi une réponse à la crise de la politique de milice et à l’absence de relève pour le personnel politique.

Par ailleurs, plusieurs cantons mettent en place des mesures pour garantir non seulement une meilleure inclusion sociale et culturelle des résidents étrangers, mais aussi pour tenter de protéger les populations migrantes les plus vulnérables. Ainsi à Genève, dans le cadre de l’Opération Papyrus, les autorités ont défini des critères plus précis pour présenter une demande de régularisation sur la base de la Loi fédérale sur les étrangers. L’Opération Papyrus permet au canton de Genève de lutter contre la sous-enchère salariale et le travail au noir. Genève remplit ainsi en même temps son devoir de protection envers les ­personnes en situation irrégulière, qui sont particulièrement exposées aux abus de toutes sortes. Dans le canton de Vaud, plusieurs parlementaires ont manifesté leur intérêt pour l’Opération Papyrus. A Bâle, une motion en faveur d’une opération similaire à Papyrus a déjà été votée par le Grand Conseil. Pour l’instant, ces mesures progressistes n’intéressent malheureusement pas le canton de Zurich. C’est pourtant au bord de la Limmat que l’on trouverait plus d’un tiers des personnes sans statut légal («sans-papiers») vivant en Suisse.

Notre devoir de solidarité envers les personnes sans statut légal qui travaillent en Suisse s’étend aux réfugiés qui cherchent l’asile dans notre pays. Nous assistons malheureusement à un phénomène de criminalisation de la solidarité. Dans le canton de Vaud, plusieurs élus politiques ayant hébergé des requérants d’asile ont subi les foudres de certains de leurs collègues et la pression des autorités. La députée socialiste tessinoise Lisa Bosia a récemment essuyé une condamnation de la justice pour le rôle d’assistance qu’elle a joué à la frontière tessinoise. Il est de notre devoir de réagir face aux critiques injustifiées, aux tentatives de pression ou d’intimidation. Notre considération et notre solidarité doivent s’appliquer à toutes les personnes de bonne volonté qui résident dans notre pays, qu’elles soient Suisses, naturalisées, en voie de naturalisation, au bénéfice d’un permis de séjour de longue ou de courte durée, sans statut légal ou requérantes d’asile.

* Chercheur en sciences sociales, journaliste indépendant, conseiller municipal PS, Ville de Genève.

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