Egalité devant les soins
Les factures de dentistes sont salées. Trop pour 35% des Romands qui renoncent à soigner leur bouche pour des raisons financières. Avec des conséquences parfois lourdes pour la santé: surinfections ou pertes de dents pour les complications locales. Mais pas seulement. Renoncer aux soins dentaires peut entraîner un risque accru d’affections cardiovasculaires ou respiratoires, ou un accouchement prématuré.
Au niveau fédéral, toutes les tentatives de mettre les soins dentaires dans l’assurance de base ont échoué. Le combat s’est déplacé à l’échelon cantonal. Vaud, Genève, Neuchâtel et le Valais ont chacun leur initiative pour une assurance obligatoire des soins dentaires. Dans le canton de Vaud, le Conseil d’Etat y oppose un contre-projet discuté mardi par le parlement.
Lancée par la gauche radicale, l’initiative vaudoise prévoit une assurance dentaire obligatoire. Celle-ci serait financée principalement par un prélèvement salarial, sur le modèle de l’AVS, et par la mise en place d’un réseau de policliniques dentaires régionales. Son coût est évalué à 300 millions de francs.
Le contre-projet prévoit quant à lui une prévention et une facilitation de la prise en charge pour les enfants, les jeunes, les personnes âgées, handicapées et vulnérables. L’Etat participerait «sous conditions» à la couverture des frais de traitement. Les prestations seraient principalement financées par l’introduction d’une taxe sur les boissons sucrées.
Mais la droite, qui s’oppose à l’initiative, a vidé le contre-projet du Conseil d’Etat en commission de sa substance. Elle a biffé les personnes âgées, en situation de handicap et particulièrement vulnérables de la cible des aides de l’Etat. Restent les enfants et les jeunes, qui reçoivent souvent déjà un soutien à travers les dépistages à l’école. Dans ces conditions, le gouvernement n’exclut pas de soutenir l’initiative.
Les dentistes, qui annoncent souvent des devis de plusieurs centaines de francs à leurs patients inconfortablement installés et la bouche paralysée par des instruments, sont déterminés à soutenir le système actuel. Au lieu de défendre la santé buccale pour tous, la société des médecins-dentistes vaudois agite l’épouvantail de l’étatisation de la profession. Quitte à exclure des soins un tiers de la population qui reportent une prise de rendez-vous, mois après mois, de crainte de recevoir la douloureuse. Mais aujourd’hui, les soins dentaires ne sont plus un tabou. Et si la droite maintient le détricotage du contre-projet du Conseil d’Etat au parlement, elle en donnera que plus de poids à l’initiative, dans les urnes. I