Une rupture s’impose
Il se peut que le drapeau rouge et or, déployé ces derniers jours dans les manifestations «espagnolistes» contre l’indépendance catalane, soit le drapeau de l’Espagne. Mais c’est d’abord celui de la monarchie et du franquisme!
Arboré par le général Franco après son coup d’Etat contre la IIe République espagnole, cet emblème a couvert les fusillades massives durant la guerre civile (1936-1939), la répression durant les années suivantes, l’assassinat par le garrot de Salvador Puig Antich (2 mars 1974) et les assassinats de cinq militants du Front révolutionnaire antifasciste et patriote (FRAP) et de l’ETA (27 septembre 1975), pour citer quelques exemples aujourd’hui oubliés des médias dominants.
Pourquoi est-il resté l’emblème officiel après la mort de Franco? Ne l’oublions pas (un historien catalan le rappelait récemment), la dictature n’a pas été renversée par un soulèvement populaire: Franco (comme son collègue chilien Pinochet) est mort dans son lit. Les «pouvoirs de fait» des élites post-franquistes ont donc conditionné la transition à la démocratie, en «blindant» la Constitution de 1978 sur des points essentiels:
– «l’unité de la nation espagnole» (article 2): les autonomies régionales, relevait dans Le Temps (3 octobre 2017) le professeur Andreas Auer, ont été octroyées;
– le gouvernement central peut suspendre le statut d’autonomie d’une région (article 155);
– les forces armées ont le droit d’intervenir pour garantir l’intégrité du territoire espagnol (article 8. Vu la tradition répressive de cette armée, cet article n’est pas anodin).
Dès lors, les analyses juridiques de MM. Marcelo G. Kohen et Nicolas Schmitt (dans Le Courrier du 11 octobre 2017) s’avèrent quelque peu réductrices. A la lumière des événements du 1er octobre, la Constitution de 1978 n’est pas la solution, elle est le problème. Sa structure empêche la Catalogne d’exercer le droit à l’autodétermination (indépendance ou système fédéral).
Une rupture avec les impensés de la transition s’impose (n’en déplaise au PSOE monarchiste, mais aussi aux dirigeants hésitants de Podemos ou de Izquierda Unida). Ainsi, une Assemblée constituante souveraine pourrait remettre en cause la monarchie (restaurée par Franco en 1947) et instaurer une république fédérale. Cela permettrait de résoudre les questions nationales existantes et, détail intéressant en ces temps de crise, d’économiser les frais de la liste civile perçus par la famille royale depuis le couronnement de Juan Carlos 1er (et même peut-être avant).
Hans-Peter Renk, Le Locle (NE)