Édito

Forages kamikazes

Hydrocarbures

A l’heure où la protection du climat devrait être une priorité absolue pour les gouvernements, il y a de quoi désespérer en observant que d’avides industriels restent focalisés sur l’extraction d’énergies fossiles et polluantes par tous les moyens. En amont du G20, la revue Nature appelait à «agir avant qu’il ne soit trop tard» et à contenir l’augmentation de la température mondiale.

Mais peu importent les scientifiques, les Accords de Paris ou les inquiétudes de l’ONU sur les dégradations climatiques; nous avons, en Suisse, des réserves à exploiter. Là, sous le Léman, à portée de forage, il serait possible d’extraire des hydrocarbures.

Pour convaincre les écolos, les entreprises intéressées ont même le culot de tenter l’argument vert: cette exploitation locale réduirait la pollution liée au transport de l’énergie. Il faut se pincer pour le croire.

Admettons, l’espace d’un instant, que les entreprises puisent ces ressources sans risque pour les nappes phréatiques, sans déperdition d’eau, sans usage de produits chimiques, sans émanation de méthane, sans impact sur le paysage – sacré pari au vu des dérives constatées autour de la fracturation hydraulique.

Reste le principal problème: les hydrocarbures mènent la planète à sa perte. Les océans et les forêts ne parviennent plus à compenser les émissions à effet de serre et le génie humain ferait bien d’investir tous ses efforts pour concrétiser enfin la transition énergétique s’il veut assurer un avenir aux générations futures.

Dans un éclairage sur deux siècles de politique énergétique globale, l’historien Jean-Baptiste Fressoz relève qu’il faudrait laisser les trois quarts des matières fossiles dans les sols pour rester à un niveau de CO2 tolérable. Son ouvrage souligne par ailleurs qu’il n’y a jamais eu de réelle transition énergétique. Bois, charbon, hydraulique, éolien, pétrole, nucléaire… les sources s’additionnent, mais ne se substituent jamais.

En tentant de convaincre que des gisements fossiles jusqu’ici peu accessibles valent enfin la peine grâce au renchérissement du pétrole, les industriels jouent aux kamikazes pour le seul amour du profit.

Heureusement, certains gouvernements – tant en Suisse qu’à l’étranger – prennent des mesures contre cette logique destructrice sous la pression de la société civile et des mobilisations écologistes. Reste à pousser le raisonnement jusqu’au bout.

Dans un monde où le pétrole est omniprésent, où l’on se chauffe au gaz et où des milliards de produits s’exportent quotidiennement par les airs ou par mer, où les moteurs règnent, tout-puissants, le chemin vers le renouvelable semble encore bien long comparé à l’urgence de la situation.

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