Contrechamp

Dunkerque expérimente le bus gratuit

En 2018, le réseau de transport public de Dunkerque (France) sera gratuit pour tous les usagers. L’étude de H. Briche et M. Huré sur la gratuité qui y est déjà instaurée le week-end montre la faisabilité d’une politique publique en faveur du développement urbain et soucieuse des classes populaires, souvent dénoncée comme irréaliste et dispendieuse. Eclairage.
Les 17 communes de la Communauté urbaine de Dunkerque expérimentent déjà la gratuité des transports publics les week-ends et jours fériés. VIGS
Mobilité

La gratuité des transports collectifs urbains se diffuse. On dénombre en 2016 dans le monde pas moins de 107 réseaux de transports en commun entièrement gratuits, dont une trentaine uniquement pour la France. Elle est également mise en œuvre de manière épisodique pour accompagner la lutte contre la pollution de l’air à Paris et Grenoble. Qu’elle soit appliquée de manière constante ou intermittente, cette politique publique transforme les représentations et les usages des transports. Pourtant, malgré plus de dix ans de débats passionnés en France, la question de la gratuité des transports n’a toujours pas fait l’objet de recherche scientifique approfondie. Avec la mise en gratuité de son réseau de transport, qui dessert 200 000 habitants, l’agglomération de Dunkerque deviendra en 2018 la plus grande collectivité française à adopter cette mesure.

L’étude que nous menons avec l’appui de la communauté urbaine de Dunkerque (CUD), vise à évaluer les premiers effets de la gratuité à Dunkerque. Elle permet aussi de nourrir une réflexion plus générale sur les nouveaux outils à disposition pour penser les alternatives urbaines et les stratégies de revitalisation des centres urbains industriels.

La gratuité au service de la promotion du territoire

Expérimentée les week-ends et les jours fériés dans les 17 communes formant la CUD depuis septembre 2015, la gratuité des transports publics deviendra totale en septembre 2018. Mesure phare du programme de l’équipe de Patrice Vergriete (divers gauche), actuel maire de Dunkerque et président de la CUD, durant la campagne municipale de 2014, la gratuité des bus sur l’agglomération entend répondre à plusieurs défis que traverse ce territoire industriel. Pour cet élu, l’initiative vise d’abord à aider le pouvoir d’achat des habitants d’une agglomération soumise à une lente et pénible transition vers l’économie postindustrielle et où plus du quart des ménages ne possède pas de voiture. La mesure est également pensée comme un des leviers privilégiés de l’attractivité résidentielle d’une collectivité d’où s’exilent en moyenne 1100 résidents par an depuis 1999. La gratuité est enfin un outil parmi d’autres d’une politique plus large de refonte de l’image d’un centre-ville en perte de vitesse.

Dans l’espoir de freiner l’hémorragie démographique, la CUD s’emploie également à refondre entièrement son réseau de bus daté de la fin des années 1970. Inchangées depuis 1976, les lignes de bus desservent avec une fréquence de 10 minutes un tiers seulement de la population du territoire. Les deux-tiers des ménages n’ont donc pas accès à un système de transports en commun performant, parmi lesquels une forte proportion de classes populaires pour qui la voiture pèse lourdement dans le budget. Le projet global de transport à haut niveau de service (THNS) – intitulé «DK’Plus de Mobilité» – verra le jour en 2018 et proposera aux Dunkerquois un réseau neuf et entièrement gratuit. Cinq «lignes fortes» à haut niveau de service et bénéficiant de différents tronçons en sites propres structureront le futur réseau, auxquelles s’ajouteront une dizaine de lignes mineures.

>>> Retrouvez l'article complet sur le site de Métropolitiques

 

Article publié dans Métropolitiques, le 30 mai 2017, sous le titre «Dunkerque, nouveau ‘laboratoire’ de la gratuité des transports

Henri Briche est doctorant en science politique au laboratoire Triangle (Sciences Po Lyon), chargé d’études de l’association VIGS (Villes innovantes et gestion des savoirs).
Maxime Huré est maître de conférences en science politique à l’université de Perpignan Via Domitia, chercheur au Centre de droit économique et du développement, chercheur associé au laboratoire Triangle, président de VIGS.

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