Retrouver la paix et la dignité en Israël et en Palestine
Troisième guerre israélo-arabe également connue sous le nom de Guerre de juin, la Guerre des Six Jours mettait aux prises il y a aujourd’hui cinquante ans Israël et ses voisins l’Egypte, la Jordanie et la Syrie. Une partie de la société juive israélienne, sous l’impulsion du gouvernement d’extrême-droite ultranationaliste de Benjamin Netanyahu, célèbre en ce moment les cinquante ans de la libération de la Judée Samarie (nom biblique donné à la Cisjordanie) et du plateau du Golan. Une autre partie de la société juive, avec la minorité arabe, commémore quant à elle le jubilé de l’annexion forcée de Jérusalem et l’occupation par Israël de la Cisjordanie (la guerre en Syrie ayant mis temporairement le plateau du Golan en dehors de l’équation). Les Israéliens juifs dont la voix est dissidente, ainsi que leurs alliés plus progressistes au sein de la diaspora juive, constatent avec tristesse qu’Israël s’éloigne toujours davantage de la promesse contenue dans sa Déclaration d’indépendance, élaborée par ses fondateurs le 14 mai 1948. Celle-ci proclamait que l’Etat d’Israël serait basé «sur la liberté, la justice et la paix telle qu’envisagée par les Prophètes». Elle affirmait également qu’Israël assurerait «la plus complète égalité sociale et politique à tous ses habitants, sans distinction de religion, de race ou de sexe» et qu’il garantirait «la liberté de culte, de conscience, de langue, d’éducation et de culture». Elle appelait les Arabes, résidents de l’Etat d’Israël, à préserver la paix et à participer à la construction de l’Etat d’Israël sur la base d’une citoyenneté entière et égale, en bénéficiant d’une représentation appropriée dans les institutions du pays.
Malgré les accords de paix obtenus avec l’Egypte (1978) et la Jordanie (1994), et plus particulièrement depuis l’effondrement du processus de paix dit d’Oslo (2001), la situation des Palestiniens à l’intérieur d’Israël et des territoires palestiniens occupés militairement ne fait qu’empirer. Les Israéliens éprouvent la plus grande difficulté à trouver entre eux un consensus sur le tracé définitif des frontières. Leur sécurité face à la menace terroriste n’est pas non plus garantie. L’extrême-droite au pouvoir en Israël et ses alliés dans les colonies adoptent des lois qui criminalisent les organisations de défense des droits humains. De plus en plus de voix s’élèvent au sein de la coalition au pouvoir pour priver les Arabes israéliens du droit de vote au parlement israélien (Knesset). La situation dans les territoires palestiniens occupés est quant à elle toujours aussi préoccupante. L’occupation militaire ôte aux Palestiniens le contrôle de presque tous les aspects de leur vie quotidienne, qu’ils résident dans la bande de Gaza, en Cisjordanie ou à Jérusalem-Est. La possibilité de se mouvoir librement à l’intérieur de leur pays, d’aller et venir, de construire sur leur propre terre, l’accès aux ressources naturelles et le développement de l’économie palestinienne sont toujours très largement déterminés par les actions de l’armée israélienne. Le traitement réservé aux prisonniers palestiniens fait l’objet d’une critique particulièrement sévère par les instances internationales et les observateurs avisés. La perpétuation de l’occupation, sans perspective de s’achever, nourrit un sentiment de désespoir et de frustration. Ce dernier alimente un conflit permanent, dont l’impact délétère se fait bien entendu sentir sur les Palestiniens, mais également sur les Israéliens.
Répondant à l’appel du mouvement Save Israël Stop the Occupation (SISO) – réunissant des universitaires, des intellectuels et des artistes israéliens de premier plan –, des voix discordantes se font entendre ces jours-ci dans toute la diaspora juive. Elles manifestent leur désaccord avec la politique menée par les gouvernements israéliens envers les Palestiniens depuis 1967. Elles exigent un changement de paradigme politique. Elles souhaitent exprimer aussi un message d’espoir. D’une part, un effort nécessaire doit s’effectuer au niveau des consciences collectives. La paix future doit se baser sur l’acceptation et la reconnaissance réciproque des traumatismes collectifs du passé, en particulier celui de la Shoah côté juif et celui de la Naqba côté palestinien. D’autre part, la paix nécessite également de prendre en compte la situation d’injustice et d’anormalité présente. L’avenir de la région, incluant la Palestine, doit s’ancrer dans des principes et des valeurs, ceux de la justice, sur la base d’une conviction commune que chaque être humain vivant dans l’espace partagé entre la rivière Jourdain et la mer Méditerranée possède les mêmes droits. Pour vivre en paix, les futures générations d’Israël et de Palestine devront réaliser les principes fondamentaux de liberté et d’égalité, desquels découle le droit à l’autodétermination des deux peuples/pour tout peuple.
Save Israël, free Palestine!
En réaction à ce titre, j’entends d’ici les grincements de dents et les réprobations arrivant des deux camps, chacun de leur côté se croyant détenteur de la seule vérité sur le conflit. Ils sont devenus des virtuoses de la victimisation, mais quand il s’agit de proposer des solutions, il y a moins de monde; et si c’est pour scander Save Israel, Free Palestine, il n’y a plus personne!
Les différentes communautés juives de Genève se reconnaissent dans cette première partie. Sauver Israël est évidemment leur vœu le plus cher! Depuis ses premiers jours, l’existence même de l’Etat d’Israël a été remise en question. Alors oui, la sauver, oui! Mais de là à scander Free Palestine?!? Et pourtant… Sans offrir un Etat aux Palestiniens, seules trois options sont envisageables. La première, c’est le statu quo, une colonisation qui continue son petit bonhomme de chemin, une armée d’occupation ultra présente, une frustration grandissante du côté palestinien, peut être une nouvelle intifada, des morts des deux côtés sans doute et un isolement total sur la scène internationale sûrement. Pas vraiment réjouissant. La deuxième option est d’annexer ces territoires. Evidemment, si Israël veut rester une démocratie, elle se doit de donner le droit de vote à ses nouveaux citoyens palestiniens, d’où le risque de perdre sa majorité juive dans le pays et, du coup, son identité juive. Je ne suis pas persuadé que ce soit ce dont rêvent les communautés juives de Suisse et à travers le monde. La dernière option, dans le cas d’une annexion, est que l’Etat hébreu décide d’en finir avec la démocratie et ne donne pas les mêmes droits à tous ses citoyens. Une telle entité serait immédiatement mise au ban des nations. Serait-ce cela dont rêvent les citoyens genevois de confession juive? J’en doute.
Les organisations soutenant la cause palestinienne sont légion dans la cité de Calvin. Toutes, sans exception, ont fait de cette deuxième partie du titre leur slogan, ou du moins n’hésitent pas à le clamer haut et fort. Par contre, la première partie?!? Jamais de la vie! Impossible de le dire, même à voix basse. Et pourtant… Doit-on remettre en cause l’existence de l’Etat hébreu? Est-ce que ces organisations souhaitent que les juifs soient «jetés à la mer», comme il était martelé dans les propagandes populistes des pays arabes dans les années 1950? J’en doute également. Est-ce que la lutte armée, les attentats-suicides, les pertes de vies d’innocents sont des solutions? Ne serait-il pas plus judicieux de souhaiter la sécurité et la survie d’Israël que de rêver de sa disparition? Je l’espère.
C’est justement l’appel qu’a lancé un mouvement israélien pour la commémoration des cinquante ans d’occupation des territoires palestiniens. Ce mouvement, Save Israel Stop Occupation, demande aux juifs à travers le monde de se joindre à eux, ce 11 juin 2017, et de manifester leur soutien à l’arrêt de l’occupation et à la création d’un Etat de Palestine. C’est bien ce Save Israel, free Palestine que nous allons scander ce dimanche!
Au sein des communautés juives, nous sommes très mal vus. En Israël, nous serions certainement traités de traîtres par le gouvernement. Même si nous voulons la paix, la fin de la colonisation, la fin des violences et la création d’un Etat de Palestine, j’ai l’impression que, de ce côté là non plus, il ne faut pas s’attendre à beaucoup de soutien. Ni des partis de gauche, ni de qui que ce soit. J’ai vu le Hamas, aux discours plus que belliqueux, faire salle comble à l’université de Genève il y a quelques années; j’étais présent lors d’une soirée organisée par Solidarités Jeunesse durant laquelle Soha Béchara a fait l’apologie des attentats-suicides sans que personne, parmi le large public, ne bronche. Mais nous? Nous sommes pacifistes, humanistes, sionistes et pour la création d’un Etat de Palestine! Nous ne rentrons dans aucunes grilles de lecture et peinons à faire entendre notre voix.
Lors de cet événement qui aura lieu dimanche 11 juin à 17 h à la place des Nations, nous aurons l’honneur de recevoir des membres de l’ONG «Combatants for Peace» qui a été nominée pour le Nobel de la Paix 2017. Cet ONG, qui regroupe en son sein d’anciens combattants des deux camps qui ont décidé de sortir du cercle de la violence, est active sur le terrain. Elle est la preuve que la coexistence est possible, que nous pouvons vivre ensemble, mais que pour cela, il faut aller vers l’autre et ne pas en avoir peur!
Venez nombreux, ce dimanche, nous soutenir et demander la paix sur la place des Nations à 17 h.
Raphael Ruta, président de JCall Suisse.
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* Respectivement coprésidents et secrétaire du Cercle Martin Buber.