Genève

L’abandon des requérants d’asile

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Le drame des Tattes aurait dû servir d’électrochoc. De prise de conscience générale des inacceptables conditions d’accueil des requérants d’asile à Genève. Une partie de la population s’est mobilisée à la suite de cette catastrophe survenue en novembre 2014. Mais l’élan ne s’est pas répercuté au sein de la direction de certains services de l’Etat.

Plus de deux ans après cet incendie mortel, un rapport d’experts pointe un nombre alarmant de défaillances de sécurité. Ses auteurs seront entendus aujourd’hui par le Ministère public, dans le cadre de la procédure judiciaire chargée d’établir les responsabilités du drame.

Mais l’Hospice général, «exploitant du centre», rejette déjà les conclusions des spécialistes, estimant leurs observations basées sur des exigences de sécurité qui ne correspondent pas à la bonne «classification» de l’établissement. Si des améliorations ont été menées depuis, cette défense administrative ne sonne pas moins horriblement cynique quand on sait que l’incendie a fait un mort et quarante blessés. Quand on se souvient que certains résidents se sont jetés des fenêtres du troisième étage après n’avoir pas trouvé d’autre issue. Et pour cause: certaines portes étaient verrouillées!

Comment en est-on arrivé là? Comment peut-on justifier des conditions d’hébergement aussi dangereuses pour des êtres humains? Ni les difficultés à loger correctement les plus précaires ni les coupes dans le social ne sauraient servir d’excuses. L’Etat ne peut pas se voiler la face. La prise en charge des plus vulnérables reste une de ses principales responsabilités.

Force est de constater qu’en Suisse, sous l’impulsion de partis xénophobes et opportunistes, une déshumanisation des migrants s’est installée dans une partie de «l’opinion publique». Une déshumanisation qui a sournoisement amené un certain désengagement de l’Etat à leur encontre. A une forme d’abandon. Qui va jusqu’à demander à ces êtres humains, ces familles, qui pour la plupart ont fui les persécutions et les guerres, de se contenter de conditions de vie et de sécurité au rabais. Ou à défaut de partir.

Ainsi, les rescapés d’un incendie aux conséquences gravissimes n’ont pas reçu le soutien dû aux victimes. Une partie d’entre eux, malgré leurs blessures physiques et psychiques, sont même restés tellement «indésirables» que la police a continué d’être chargée de les expulser manu militari.

Le drame des Tattes n’a donc pas suffi à mettre l’Etat face à ses responsabilités. Espérons que les conclusions de la procédure judiciaire y parviendront.

Opinions Régions Genève Édito Gustavo Kuhn Genève

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