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Transition énergétique: «un grand oui le 21 mai»

Pour la première fois s’est constitué un front large en faveur de la transition énergétique, se réjouit René Longet, expert en développement durable. Un «indispensable premier pas».
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Contrairement à ce que ses adversaires écrivent, la Stratégie énergétique 2050 est simple, logique et cohérente. La situation est connue. Nous dépendons à 80% d’énergies polluantes, non disponibles localement (nous rendant tributaires de fournisseurs lointains, politiquement instables, voire discutables) et non renouvelables à échelle humaine. Une triple insécurité dont il nous faut sortir au plus vite. Les énergies trop faciles que sont le fossile et le fissile risquent de nous engloutir si on n’y prend garde.

Le fossile: pollution des mers et des airs mais surtout déstabilisation globale du climat par injection massive dans l’atmosphère de carbone stocké depuis des millions d’années dans les entrailles de la Terre. Le fissile: risques majeurs de par les plus de 400 réacteurs disséminés dans le monde, les dépôts de déchets, la circulation des matières radioactives. Solaire, géothermie, éolien, biomasse peuvent présenter quelques inconvénients – ils sont de faible envergure et tout à fait maîtrisables.

Le scénario de la société à 2000 watts imaginé par l’EPFZ avait bien défini l’objectif: diviser par 3 la consommation d’ici 2050 et couvrir les 3/4 de celle subsistante par les énergies renouvelables. Et comme nous savons bâtir des maisons positives – qui produisent plus d’énergie qu’elles n’en consomment –, organiser la mobilité autrement, fabriquer des appareils, des moteurs, des installations bien plus économes, les utiliser avec parcimonie, les rendre réparables, nous y arriverons, pour peu que nous le voulions.

Ce qui manquait à ce jour? La volonté politique! La stratégie 2050 marque ici un tournant. Pour la première fois, une bonne partie de l’économie et des forces politiques du centre-droit (le PDC dans son entier et la moitié du PLR) ont résolument pris le parti d’un élément-clé de la transition. Lors de la votation de septembre 2016 sur l’économie verte (qui demandait une évidence: passer à une économie circulaire et réduire fortement notre empreinte écologique), ces forces étaient encore majoritairement dans le camp du refus. Alors cordiale bienvenue au club, et construisons la suite ensemble!

Que poursuivent les opposants? Une vision dépassée du progrès faite de l’illusion de la toute-puissance humaine, capable de résoudre «plus tard» tous les problèmes, même les plus graves: pénurie d’énergie massive vu notre dépendance au non renouvelable, emballements climatiques et radioactifs. Un aveuglement face à la non-prise en compte des dommages infligés à des tiers par une activité (externalités négatives), qui fait croire que le marché actuel serait libre de toute distorsion. Et une vision infantile du confort, qu’illustre très bien le slogan de la «douche froide» à 3200 francs, chiffre par ailleurs complètement inventé. La douche froide promise par l’UDC deviendra par contre réalité si nous ne faisons rien par rapport à notre façon de gérer l’énergie!

La campagne mensongère des opposants, parfaitement dans le sillage d’un Trump, consiste à flatter le conformisme le plus béat, à afficher des certitudes qui n’en sont pas, à nier toute capacité de créativité et à mettre la tête dans le sable. «Après moi le déluge», jamais cette définition de l’irresponsabilité individuelle et collective n’a été si dramatiquement et climatiquement vraie.

A aucun moment, les opposants n’ont exposé comment résoudre les enjeux mentionnés plus haut. Développer fortement les énergies renouvelables, sortir progressivement du nucléaire, se donner un objectif minimum d’économies d’ici dix-huit ans(!) de -43% est un premier pas clair, concret et réaliste. A ce jour, les efforts d’économies d’énergie et de réduction des émissions de gaz carbonique nous ont permis de stabiliser la situation depuis une vingtaine d’années, malgré une importante progression de la population et du PIB, et de réduire ainsi, par tête, de 20% notre consommation.

De nombreux emplois locaux, diversifiés et pérennes en résultent, apportant un soutien hautement bienvenu à l’économie et au savoir-faire de proximité. Il s’agit maintenant de prendre le chemin de la réduction, multipliant ses bénéfices écologiques, économiques et sociaux. La stratégie proposée par les autorités fédérales est une chance pour notre pays; saisissons-la sans hésitation.

René Longet est membre du conseil d’administration de sociétés de production et de distribution d’énergie.

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