Lorsqu’on voyage à l’étranger, on est souvent frappé d’entendre que la réputation de Genève n’est pas seulement liée à la diversité de sa population et au fait qu’elle abrite de nombreuses organisations internationales, mais aussi à la richesse de sa vie musicale. En effet, l’offre genevoise dans ce domaine est exceptionnelle, et peu de villes en Europe, hormis deux ou trois grandes capitales, peuvent prétendre rivaliser avec la cité du bout du lac. Cela ne tient pas seulement à la qualité des institutions genevoises à vocation musicale, mais aussi et surtout à l’incroyable profusion des musiques qu’on peut y entendre tout au long de l’année. Il suffit d’avoir participé à la Fête de la musique genevoise pour se rendre compte que ce foisonnement est unique.

Fort de ce constat, un groupe de passionnés a fondé en 1983 les Ateliers d’ethnomusicologie (ADEM). Ateliers d’ethnomusicologie: ce nom intrigue, il donne à réfléchir et sa signification tarde à se révéler. Alors de quoi s’agit-il? D’un institut savant de recherche musicale? De la boutique d’un luthier un peu excentrique? D’une annexe du Musée d’ethnographie de Genève? Non, en fait, de rien de tout cela. Les ADEM sont une association dédiée au vaste domaine des musiques «du monde», à ces musiques souvent venues d’ailleurs dont se nourrit la créativité de nombreux artistes «d’ici». Musiques «du monde», «world music», ou encore musiques «traditionnelles», voire musiques «ethniques», «exotiques» ou «folkloriques»: autant d’étiquettes qui peinent à définir collectivement des expressions aux esthétiques aussi diverses.

Diversité culturelle
Les activités des ADEM sont multiples. Chaque année, ils organisent de nombreux concerts et festivals thématiques, complétés par des films, des conférences, des stages et des activités pour le jeune public. Les ADEM collaborent régulièrement avec l’AMR, dans le cadre de la série de concerts mensuels des Vendredis de l’Ethno, ainsi qu’avec le Musée d’ethnographie de Genève (MEG), qui accueille certains de leurs spectacles dans son Auditorium. Partenaire de nombreux événements de la vie culturelle genevoise, comme la Fête de la musique, le festival Antigel ou les Aubes musicales aux Bains des Pâquis, les ADEM proposent aussi régulièrement des animations et des stages d’initiation en milieu scolaire.

Dès leur fondation, les ADEM ont développé un secteur d’activités pédagogiques unique en Europe, qui regroupe plus de soixante-cinq cours de pratique des musiques et danses du monde, individuels ou collectifs. Ils organisent également de nombreux stages avec des artistes invités, dont La Croisée des cultures, un grand rendez-vous estival réunissant chaque année une vingtaine d’enseignants et près de trois cents élèves, petits et grands, débutants ou confirmés. Dans ce grand laboratoire de la diversité culturelle, on peut aborder des pratiques aussi variées que le flamenco, la musique turque, persane ou indienne, les danses africaines, cubaines ou balinaises, le violon tsigane, le chant mongol, et même le yodel…

Une des missions des Ateliers d’ethnomusicologie est d’apporter leur soutien aux nombreux musiciens migrants vivant en région genevoise. L’association encourage la production locale, et en particulier la professionnalisation des artistes qui le souhaitent et témoignent des qualités requises. Ce soutien se manifeste sous différentes formes: programmation, mise à disposition de locaux, promotion, animations scolaires, recommandation auprès d’organisateurs de concerts.

Depuis 1988, les ADEM publient les Cahiers d’ethnomusicologie, une revue scientifique à diffusion internationale. Egalement accessible gratuitement en ligne, cette publication a grandement contribué au rayonnement de l’association. Chaque volume est centré sur un dossier thématique, auquel participent les meilleurs spécialistes de la discipline. Ces dossiers sont complétés par des rubriques d’intérêt général, entretiens, portraits et comptes rendus.

Après plus de trente ans d’activités, les Ateliers d’ethnomusicologie ont trouvé leur place dans le paysage culturel genevois; une place certes modeste, mais importante, compte tenu de la diversité de la population genevoise et de ses pratiques musicales. En découvrant la musique de l’Autre, nous apprenons à le connaître dans l’intimité de sa sensibilité. Et si sa musique peut nous émouvoir, nous transporter même parfois, c’est peut-être que nos différences ne sont pas aussi importantes que nous aurions pu l’imaginer.