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Et le sport devint propre!

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L’Euro de foot n'est même pas terminé que le Tour de France a déjà commencé. Et un peu plus tard, ce sera au tour des Jeux Olympiques de Rio de saturer les écrans. L’été 2016 a commencé avec la pluie mais le sport est à la fête. Surtout qu’il est devenu propre, parfaitement propre vous dis-je. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Comment ce petit miracle est-il survenu? Rappelez-vous, c’était il y a trois semaines à peine – soit un siècle en ces temps d’Alzheimer médiatique programmé – la Fédération mondiale d’athlétisme excluait la Fédération d’athlétisme russe des JO de Rio (tout en permettant heureusement aux athlètes individuels jugés propres d’y participer). Les vilains Russes chassés, le sport dans son ensemble est devenu blanc comme neige en 24 heures. Circulez, il n’y a plus rien à voir. Et en effet, comme par enchantement, on ne voit ni n’entend plus rien.

L’affaire avait pourtant fait grand bruit, soigneusement orchestrée qu’elle avait été dans les jours qui précédaient par des médias complaisants, qui réclamaient à cor et à cri la tête des Russes, coupables, ô turpitude suprême, de «dopage d’Etat», (comme si le dopage privé était meilleur!) La veille de la décision, la BBC, jadis honneur du journalisme mais désormais prête à toutes les bassesses depuis que Tony Blair et David Cameron en ont fait un instrument de leur politique gouvernementale, insinuait que le patron de la Fédération mondiale, Sebastian Coe, avait partie liée avec le fils de l’ancien président «corrompu» et ami des Russes, afin de mettre le maximum de pression sur lui et d’empêcher toute mansuétude de sa part à l’égard de la Russie. Tout marcha comme sur des roulettes: les Russes ont été exclus et le CIO n’a pas eu d’autre choix que d’emboîter le pas.

Et voilà comment, grâce à ce tour de magie, l’Euro, le Tour de France et les JO vont pouvoir se dérouler tranquillement et les milliards affluer dans les caisses sans qu’on parle plus du dopage, ce spectre qui hante les nuits des milliardaires du sport.

Peut-on croire un seul instant à de telles fariboles? Si les instances sportives faisaient si grands cas du dopage, pourquoi n’ont-elles pas interdit le Tour de France quand les champions Lance Armstrong et Greg LeMond, drogués jusqu’au cou, remportaient systématiquement le Tour en niant tout dopage ? Et pourquoi n’ont-ils pas exclu les Fédérations d’athlétisme occidentales quand on a surpris leurs membres en flagrant délit de dopage? Comment peut-on croire que les cyclistes du monde entier qu’on va bientôt voir défiler sur les cols de France sont devenus des parangons de vertu et courent pour l’amour et le plaisir désintéressés de la petite reine?

Et pourquoi ne dit-on rien, ou presque rien, des recherches effectuées dans les laboratoires clandestins californiens, réputés depuis des décennies pour inventer des substances indétectables vendues en douce dans les fitness du monde entier? De la proximité entre les milieux sportifs et les agents des contrôles antidopage qui se connaissent et se fréquentent puisqu’ils proviennent du même monde?

Comme par hasard, les seules fédérations inquiétées, la russe et la kenyane, viennent de pays qui sont dans le collimateur de l’Occident ou qui comptent pour beurre dans la génération et la redistribution des milliards engendrés par le sport. Pour ne pas désespérer le public qui risquerait de déserter les stades, les écrans TV et des fans zones gorgées de sponsors, il aura de suffi de désigner quelques boucs émissaires judicieusement choisis. Ces boucs émissaires ne sont pas innocents bien sûr, mais ils ne sont que les arbres qui cachent les noces maudites du sport et du fric. I

* Directeur du Club suisse de la presse.

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lundi 8 janvier 2018

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