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Approche des résultats comptables

(Re)penser l'économie

Comme chaque année au premier trimestre, nous avons vu défiler l’annonce des résultats annuels des grandes entreprises. Les titres des médias ne reflètent pas obligatoirement la réalité économique de celles-ci lorsqu’on se penche plus précisément dans les comptes (pas toujours accessibles et parfois peu compréhensibles pour le commun des mortels). Le plus souvent l’accent est porté sur la hausse ou la baisse du bénéfice net. Or celui-ci ne reflète qu’imparfaitement la santé économique réelle d’une entreprise. Ne parlons même pas des hausses de dividendes qui peuvent intervenir alors que le bénéfice net est en baisse!

Prenons un exemple. Récemment une entreprise annonçait une augmentation de son bénéfice net et une hausse de son dividende. A priori on imagine que cette entreprise se porte bien, que son chiffre d’affaires a progressé et que ses marges (la différence entre ce que rapporte un produit et ce qu’il coûte à réaliser) se sont pour le moins maintenues, voire ont augmenté. Ou bien que si le chiffre d’affaires est stable ou a baissé, les marges ont progressé pour produire un bénéfice d’exploitation plus conséquent. En examinant les comptes publiés, la réalité est différente. Dans le cas d’espèce, le chiffre d’affaires a bien connu une hausse, mais les marges relatives à divers produits ont baissé. Il s’ensuit que le bénéfice d’exploitation progresse peu et que, sans l’augmentation du chiffre d’affaires, il aurait diminué. Or ce qui est important dans l’analyse de la santé d’une entreprise, c’est sa capacité économique réelle à dégager du profit; à savoir, en économie capitaliste, la valeur économique résultant de la vente de ses produits ou, en d’autres termes, sa productivité. Lorsque la productivité diminue, les investisseurs s’inquiètent et, à l’inverse, ils se réjouissent lorsqu’elle augmente, par exemple, sous l’influence de la baisse de la masse salariale.

Comment dès lors peut-on parvenir à augmenter le bénéfice net dans une proportion supérieure au résultat d’exploitation? En l’occurrence, cette entreprise avait constitué au fil des années des provisions pour divers risques qu’elle estimait courir. Ces provisions, parfois justifiées, parfois moins, voire plus du tout, peuvent servir sur le plan comptable à constituer ce que l’on appelle des réserves latentes. Il suffit de dissoudre une partie de ces provisions pour augmenter le bénéfice net qui ne reflète alors que partiellement la réalité économique de l’entreprise. Il est aussi possible, suivant la nature d’un bien appartenant à la société, d’en réduire l’amortissement; ceci provoque également une hausse du bénéfice net.

Il existe également d’autres facteurs qui peuvent masquer la situation économique objective de l’entreprise. Par exemple, elle peut détenir des actifs (avoirs financiers, participations dans d’autres sociétés etc.) dont les dividendes ou les produits des placements viennent alimenter le bénéfice net de l’entreprise sans que cela ne soit le résultat de son activité économique propre.

Vous l’aurez compris, il n’est pas évident de connaître l’exacte situation d’une entreprise, surtout lorsque les éléments publiés portent sur des agrégats comptables qui ne permettent pas d’aller dans le détail. Ceci d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une entreprise multinationale qui peut jouer avec la comptabilité de ses différentes filiales. A la lecture des résultats, il convient donc d’être circonspect et de ne pas prendre pour argent comptant les titres des articles de presse commentant ces résultats.

Dernière remarque, ces articles font souvent référence aux attentes des experts. Les résultats correspondent – ou pas – à leurs attentes, ils déçoivent ou ils surprennent… Les fameux experts qui sont censés conseiller les investisseurs sont un peu comme un météorologue qui annoncerait le temps à venir en lisant dans le marc de café.

*Membre de SolidaritéS, ancien député.

Opinions Chroniques Bernard Clerc

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