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Gouvernance à gogo

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Y a-t-il un pilote dans le vaisseau Terre? Non, il n’y en a pas. Mais ce n’est pas nécessaire puisqu’on a la gouvernance. Depuis l’aube du troisième millénaire, le mot résonne comme une incantation. Il est sur toutes les lèvres, dans tous les colloques, il hante les instituts de management comme les facultés de sciences politiques. Partout, il suscite respect et componction. C’est le nouveau mantra, la formule magique qui va résoudre tous les maux de la planète.

Or il faut le dire, cette gouvernance mondiale est une tarte à la crème, un mot-valise pour attrape-nigauds qui satisfait à la fois les arrivistes et les naïfs de la communauté internationale, professeurs des académies, dirigeants d’ONG à la recherche d’un destin, diplomates et hauts fonctionnaires soucieux de ne pas froisser leurs gouvernements, autant que les braves militants des bonnes causes humanitaires inquiétés par les dérives d’un monde qui semble aller de plus en plus mal.

Il est vrai que cette mode de la gouvernance mondiale – et c’est son grand atout – répond à un vrai besoin: celui d’approfondir la coopération internationale pour résoudre des problèmes désormais globaux, la crise climatique, les pannes de la croissance, les pandémies, les migrations, le terrorisme. Il est logique de donner une réponse globale à une menace globale, et d’améliorer la concertation pour y arriver.

Sauf que ce vocable fourre-tout ne veut rien dire du tout et que chacun y met ce qu’il veut, comme dans un dîner canadien. Sa définition même pose problème. Deuxième difficulté, derrière cette jolie façade se cache en réalité une implacable lutte de pouvoir. Pour certains, cette volonté de «bonne gouvernance» dissimule un nouveau fascisme: au nom de «valeurs universelles» jamais bien définies, de la «transparence», de l’efficience, elle vise à éradiquer les vieilles élites récalcitrantes, encore attachées à leurs traditions nationales et culturelles, et à les remplacer par une nouvelle classe de dirigeants, parfaitement déracinée et entièrement formatée pour les besoins de la gestion du monde global.

Elle est aussi suspectée de masquer les vrais enjeux: croissance des inégalités, accaparement des richesses et des biens communs planétaires au profit d’une infime minorité, politiques d’invasions et de violences implacables à l’encontre des récalcitrants, aussitôt frappés de la marque infamante d’Etats voyous, pilonnés par les drones ou ruinés par les sanctions de coalitions diverses et improbables mais toujours orientées dans un sens favorable aux pays qui les dirigent.

La vérité est que personne ne veut d’un «gouvernement» mondial, et encore moins d’un parlement qui permettrait à chacun, et surtout aux plus petits, d’exprimer leurs souhaits et leurs revendications. Les Etats-Unis et l’Occident encore moins que les autres, car ils ne supportent pas l’idée d’avoir des obligations et de rendre des comptes à une instance supérieure. Et ceux qui subissent, les puissances moyennes comme la Chine, la Russie, l’Inde et les autres, pas davantage car ils ont trop peur qu’un ordre international de cette sorte n’ait d’autre but que de les asservir.

Mais d’un autre côté, l’urgence des problèmes et la pression des opinions publiques poussent à agir, comme on le constate lors des crises humanitaires et environnementales. Entre ces deux contraintes, la volonté de dominer et de ne pas être dominé d’un côté, et la nécessité de faire quelque chose de l’autre, ou du moins de montrer qu’on fait quelque chose, la gouvernance a trouvé sa place et sa raison d’être. C’est un artifice utile qui montre aux gogos qu’on fait semblant de s’activer en vue d’un monde meilleur.

* Directeur du Club suisse de la presse.

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lundi 8 janvier 2018

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