Le Conseil de l’Europe pour des obligations légales
On parle relativement peu du Conseil de l’Europe. Toutefois, en tant qu’entité intergouvernementale réunissant 47 Etats – dont la Suisse – il est l’une des organisations mondiales de référence en matière de droits humains. Son comité des ministres a adopté le 2 mars des recommandations sur les droits humains et les entreprises1 value="1">Voir bit.ly/1QQIVj7. Son objectif est de «faciliter la mise en œuvre effective» des principes directeurs de l’ONU et de «combler les lacunes au niveau européen».
Avec un langage qui «exige» autant qu’il «recommande», le texte surprend par sa vigueur, notamment en matière de justiciabilité des entreprises. Ainsi, les Etats membres devraient prendre des mesures législatives pour s’assurer que les violations des droits humains par des entreprises relevant de leur juridiction donnent lieu à une responsabilité civile (§32). Le comité des ministres va plus loin encore en soulignant le problème de la séparation juridique entre maisons-mères et filiales, qui peut faire obstacle à la justice. Pour y remédier, il estime que les tribunaux internes des Etats membres devraient pouvoir juger des «actions civiles relatives à des violations de droits de l’homme par des filiales, quel que soit l’endroit où elles sont implantées» (§35). De plus, «en l’absence manifeste d’un autre forum garantissant un procès équitable», les mêmes tribunaux devraient également pouvoir accepter des plaintes civiles relatives à des violations causées par d’autres entreprises, non domiciliées dans les Etats membres (§36).
L’existence d’une norme juridique ne garantit pas encore que les victimes puissent faire valoir leurs droits. C’est pourquoi le comité des ministres plaide pour que des ONG et syndicats puissent intenter des actions en leur nom et les «représenter» (§39).
Des plaintes collectives devraient être possibles en cas de violations des droits humains (§42) et l’«égalité des armes» entre les parties assurée «à travers une assistance judiciaire facilitée (§41) et l’accès aux informations importantes détenues par l’entreprise accusée (§43). Autant de points où la Suisse brille par ses carences.
Ces exemples le montrent: le Conseil de l’Europe consacre l’«assortiment judicieux» (smartmix) de mesures volontaires et contraignantes recommandé par les principes directeurs de l’ONU. Ainsi, les Etats membres «devraient appliquer les mesures nécessaires pour exiger le respect des droits de l’homme par toutes les entreprises domiciliées dans leur juridiction dans l’ensemble de leurs opérations à l’étranger» (§13). Cela, en faisant preuve d’«une diligence raisonnable en matière de droits de l’homme dans l’ensemble de leurs activités» (§20). Quand ils possèdent ou contrôlent des entreprises, fournissent des aides et services (crédits ou garanties à l’exportation) ou concluent des contrats d’achats publics, les Etats devraient même prendre des «mesures supplémentaires» et prévoir des sanctions («conséquences appropriées») en cas de non-respect des droits humains (§22).
Ces recommandations du Conseil de l’Europe sont non contraignantes. La Suisse cependant les a négociées et adoptées. Il lui revient maintenant de les mettre en œuvre. Une manière simple et efficace serait de donner suite à l’initiative pour des multinationales responsables2 value="2">www.konzern-initiative.ch.
* Membre de la direction d’Alliance Sud, www.alliancesud.ch/fr; paru dans la revue Global+ n°59, Printemps 2016.
Notes