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Attention, propagande à tous les étages!

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Connaissez-vous John Rendon, «le guerrier de l’information» comme il aime à s’appeler, le conseiller en communication qui se vante de placer n’importe quel article dans n’importe quel journal influent dans le monde? Le fondateur du Rendon Group (www.rendon.com), mandaté tout à tour par la CIA et le Pentagone, est sur tous les coups dès qu’un changement de régime est à l’ordre du jour à Washington. Du Panama à l’Afghanistan en passant par l’invasion de l’Iraq en 2003, il a réussi à vendre expéditions militaires et putschs à l’ensemble de la presse occidentale comme autant d’opérations au service de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme. Jusqu’à ce qu’un journaliste d’investigation américain, James Bamford, commence à mettre à nu «l’homme qui a vendu la guerre d’Iraq» dans un article du magazine Rolling Stone.

Le cas de John Rendon est emblématique mais pas isolé: il ne représente que la face visible d’un univers de la communication et des relations publiques qui se chiffre en dizaine de milliers de personnes et en milliards de dollars et qu’on peut voir à l’œuvre tous les jours dans les opérations de com’ liées aux zones de confrontation où des intérêts occidentaux sont en jeu: Syrie, Iraq, Libye, Ukraine, mer de Chine, Venezuela, Corée du Nord, pour ne citer que les plus actuelles.

Les procédés sont connus: nous n’y sommes pour rien, c’est l’ennemi qui nous oblige à agir; ses chefs sont inhumains, des agents du diable (Poutine égale Hitler); nous nous battons pour une noble cause et non pour de vils intérêts comme notre adversaire; l’ennemi nous a provoqués; nos bavures sont involontaires tandis qu’il organise sciemment les siennes; l’ennemi utilise des armes prohibées par les conventions internationales tandis que nos armes sont pures et légales; nos pertes sont nulles mais les siennes immenses; les gens biens, artistes, intellectuels et autres acteurs de la «société civile» sont de notre côté; notre cause est noble et sacrée pour l’humanité; et enfin: ceux qui ne partagent pas nos vues sont des traitres et des vendus à l’ennemi.

Voilà ce que suggèrent les commentaires qui accompagnent les reportages télévisés et ce qu’on peut lire en gros caractères dans les éditoriaux et en filigrane dans les articles «d’information» qui peuplent les pages intérieures de la plupart des journaux.

Quant aux méthodes, elles sont elles aussi connues. Un ancien journaliste du grand quotidien allemand FAZ, Udo Ulfkotte, a ainsi raconté dans son livre (Gekaufte Journalisten, Kopp Verlag) comment l’OTAN avait fait main basse sur les responsables des rubriques étrangères des médias allemands: à coups d’invitations à des colloques, de modérations de panels, de séminaires académiques, d’offres gratuites de contributions prestigieuses, de mises à disposition d’experts prétendument neutres, ces médias se sont retrouvés entièrement colonisés par une seule et unique vision des choses. Il en va de même dans la plupart des universités et institutions académiques, dont les programmes et les réseaux d’experts sont largement financés et influencés par des think tanks richement dotés et toujours orientés.

Enfin, pour parachever le tout et prévenir d’avance toute tentative de rééquilibrage, on dénonce à un rythme régulier l’information provenant du camp d’en face comme de la pure propagande, et comme si nous étions les seuls à incarner la vérité.

Certes, la propagande ne date pas d’hier. Elle s’est déployée pendant toutes les guerres, et notamment pendant la guerre froide. Mais le plus troublant, c’est qu’elle ne s’est jamais arrêtée et qu’elle a au contraire redoublé avec le retour de la paix, d’abord durant les années 1990 lors du démantèlement de la Yougoslavie puis de la Serbie au moment de la sécession du Kosovo, puis en Afghanistan et en Iraq durant les années 2000, pour exploser dans le monde entier après 2011 avec les «printemps» arabes.

Pour les journalistes, c’est un vrai défi. La guerre de propagande est devenue globale et permanente, de tous côtés. S’il est juste de dénoncer la propagande «des autres», il devient tout aussi urgent d’ôter de nos yeux les poutres qui biaisent systématiquement notre vision de la réalité. Après tout, la liberté d’expression ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.

* Directeur du Club suisse de la presse.

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lundi 8 janvier 2018

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