L’aide au développement: pour quoi faire?
Au mois d’avril, le Secrétariat d’Etat à l’économie publiait un communiqué montrant sa satisfaction. L’aide publique au développement avait atteint 0,49% du revenu national suisse en 2014, se rapprochant de l’objectif de 0,50% fixé par le parlement en 2011. La Suisse se situait alors au huitième rang des pays qui financent cette aide (celle de la Chine n’étant pas comptabilisée ici).
Six mois après, il faut déchanter. Le budget 2016 prévoit, dans le cadre des économies décidées par le Conseil fédéral, 115 millions de coupe dans les dépenses affectées à la coopération au développement. Si on observe l’enveloppe globale de 2014, plus de 3 milliards, on pourrait estimer que ces réductions sont minimes. Mais il faut y regarder de plus près. Cette enveloppe globale comprend des dépenses de natures diverses: l’aide aux projets de développement proprement dit, les contributions financières aux organisations internationales qui sont sur le sol suisse, l’aide humanitaire, le financement des requérants d’asile et la coopération avec les pays nouveaux adhérents de l’Union européenne, les bourses aux étudiants venant du Sud…
Si l’on prend en compte toutes ces sommes, l’aide aux projets représente moins de 50% du budget total, soit un peu plus de 1,4 milliard de francs en 2014. Les coupes acceptées par le Conseil des Etats en octobre représentent 8% de l’aide adressée aux organismes qui travaillent sur le terrain des pays les plus pauvres, ce qui est beaucoup.
Cette réduction est d’autant plus forte que la tendance n’est pas bonne. Le budget de la Direction du développement et de la coopération a tendance à être utilisé de plus en plus pour des besoins étrangers à ceux des pays les plus pauvres. Nous avons déjà cité les organisations internationales, mais il faut aussi parler de l’asile. Compte tenu de la venue massive de réfugiés, les budgets explosent, budgets qui sont pris sur l’aide au développement. La Confédération privilégie donc, pour respecter sa contrainte budgétaire, le court terme au long terme. Alors qu’elle vient de signer à l’ONU des objectifs de développement durable et qu’elle s’apprête à signer un accord à Paris sur le changement climatique, elle va rogner sur les budgets affectés à ces projets en 2016, en attendant des jours meilleurs. Elle fera comme si sa main gauche ignorait ce que fait sa main droite.
Pourquoi est-ce dommageable? La raison principale est liée à la place de la Suisse dans ces projets de développement. Sur certains sujets comme l’alphabétisation, la Suisse est leader, en particulier en Afrique. Or l’alphabétisation est une question vitale pour les populations. Grâce à la Suisse, plusieurs centaines de milliers de femmes ont pu apprendre à lire écrire et compter, par exemple au Burkina Faso. Pour elles c’est une question de survie de pouvoir vendre un bon prix les produits de leur maraîchage. Sans alphabétisation cette pratique est impossible et on pourrait multiplier les exemples.
Les trente pays les plus pauvres de la planète représentent 800 millions d’habitants et ont un produit égal au nôtre. Nous sommes donc du point de vue de la richesse monétaire dans un rapport avec eux de 1 à 100. La solidarité avec ces populations est une exigence de justice fondamentale. Certes, nos compatriotes font beaucoup à titre privé par des dons à des personnes et à des associations. Mais le gouvernement doit assumer sa part de travail. Il ne peut pas couper dans les budgets qui financent des projets concrets de développement dans les pays les plus pauvres de la planète.
* Spécialiste d’histoire économique, d’économie du développement et de l’enseignement social chrétien, Université de Fribourg, www.cath.ch