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Monnaie d’échange scientifique

RECHERCHE • L’accès aux financements et aux postes de recherche est réservé à ceux qui publient avec assiduité. Mais cette focalisation sur la longueur des listes de publications crée des problèmes.  

Publier dans des revues scientifiques permet à certains de s’enrichir. Des universités chinoises allouent à leurs chercheurs une prime en fonction du rang de la revue dans laquelle est paru leur article. La Zhejiang University, par exemple, remet quelque 30 000 francs au premier auteur d’une contribution publiée dans Nature ou Science, soit plus du double du salaire académique annuel usuel en Chine.

En Suisse aussi, l’attribution de fonds de recherche ou d’un poste académique dépend en bonne partie de la qualité, mais surtout de la quantité des articles publiés. Y a-t-il un inconvénient à utiliser ce chiffre comme critère de qualité pour comparer des scientifiques, des universités, voire des pays?

Pour Elizabeth Wager, présidente du Committee on Publication Ethics, une organisation qui prodigue conseils et recommandations en éthique des publications, la trop grande importance accordée à la longueur des listes de publications pose divers problèmes. Cela pousse les chercheurs à répartir leurs résultats sur plusieurs articles, au contenu de plus en plus faible. Ce système qui récompense les publications favorise aussi les comportements scientifiques incorrects (résultats de recherche inventés, par exemple). Enfin, les listes d’auteurs n’arrêtent pas de s’allonger, sans qu’on sache toujours clairement si cela est justifié par l’investissement de recherche des coauteurs. Des études comparatives ont montré que dans 40% des articles étudiés, les auteurs invités figurant dans la liste avaient peu contribué au contenu de la publication, et qu’il s’agissait souvent de supérieurs hiérarchiques ou de bailleurs de fonds.

Les jeunes chercheurs se plaignent souvent qu’on refuse de reconnaître leur contribution, en citant leur nom en bonne place. Il existe de nombreuses règles de répartition des noms, qui diffèrent d’une discipline à l’autre. La plupart du temps, la personne qui assume la responsabilité principale dans la publication doit figurer en première place. Et le directeur du projet de recherche en dernière. En sciences sociales, en revanche, le statut particulier est celui du dernier auteur: plus un nom apparaît loin dans la liste, plus sa contribution à la recherche a été importante. Comme de nombreuses règles sont floues, la paternité des publications est l’un des problèmes les plus fréquemment portés devant l’ombudsman des Académies des sciences. Pour éviter les disputes, mieux vaut donc établir dès que possible la liste des auteurs, avec tous les coauteurs potentiels. Au niveau international, il est de plus en plus fréquent que la contribution spécifique de chaque auteur soit décrite. Une transparence qui pourrait contribuer à désamorcer certains conflits.
 

*Paru dans Horizons, le magazine suisse de la recherche scientifique n°98, septembre 2013
Source: Académies suisses des sciences. Qualité d’auteur des publications scientifiques. Analyse et recommandations. Berne, 2013. www.akademien-schweiz.ch/fr/index/Schwerpunktthemen/Wissenschaftliche-Integritaet.html

Opinions Agora Valentin Amrhein

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