Le nombre d’enfants africains adoptés par des personnes vivant sur d’autres continents atteint des niveaux records. Spécialistes, militants, hauts fonctionnaires et universitaires ont appelé à enrayer cette tendance, signalant que l’adoption était trop souvent motivée davantage par l’appât financier que par l’intérêt des enfants concernés.
De 2003 à 2011, par exemple, au moins 41 000 enfants africains ont été confiés à l’adoption hors du continent, selon une étude de l’African Child Policy Forum (ACPF). Un autre rapport de l’ACPF1 value="1">Respectivement L’Afrique: Une nouvelle frontière pour l’adoption internationale, ACPF, 2012, et L’adoption internationale du point de vue africain, ACPF, 2012. L’ACPF, institution panafricaine indépendante, a pour mission l’instauration de politiques sur l’enfance en Afrique. relève que «les intérêts commerciaux ont remplacé l’altruisme, en faisant des enfants la matière première de ce monde de plus en plus sombre et immoral qu’engendre l’adoption internationale.» Selon l’ACPF, pour la seule année 2010, quelque 6000 enfants africains ont été adoptés à l’étranger, soit une multiplication par près de trois en seulement sept ans. Or, à l’échelle mondiale, les chiffres de l’adoption ont atteint leur niveau le plus bas en quinze ans.
Les participants à la cinquième Conférence internationale sur la politique africaine de l’enfance, qui s’est tenue fin mai à Addis Abeba, ont appelé à «inverser la tendance actuelle qui fait de l’adoption internationale une solution facile et confortable en Afrique, et permettre à tous les enfants d’Afrique de rester auprès de leur famille et de leur communauté». Le recours à l’adoption internationale ne devant avoir lieu que «lorsqu’il n’existe aucune protection familiale de remplacement dans le pays d’origine et dans le respect de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant».
Les experts se sont également inquiété des procédés d’adoption tels que «la manipulation, la falsification et d’autres moyens illégaux destinés à sécuriser des gains financiers» et de «l’existence, dans certains cas, de pressions internes et externes qui s’exercent sur les familles et sur les gouvernements afin de rendre leurs enfants disponibles à l’adoption internationale».
Selon l’ACPF, le triplement du nombre d’adoptions d’enfants africains en moins de dix ans est lié à la suspension ou à la limitation de l’adoption internationale en provenance de pays qui en étaient traditionnellement la source. C’est pourquoi les pays d’accueil, Etats-Unis en tête, se tournent massivement vers l’Afrique pour répondre à leurs besoins.
Quant à l’argent, il reste un enjeu important, qui détermine à la fois le mode selon lequel ces adoptions sont réalisées, mais aussi les raisons pour lesquelles beaucoup sont initiées. «C’est le facteur clé auquel on doit s’attaquer pour que les droits de l’homme, en regard de l’adoption internationale des enfants africains, soient efficacement protégés», souligne l’ACPF. L’institution relève que de nombreux orphelinats africains ont été créés dans un but lucratif et reçoivent jusqu’à 30 000 dollars par enfant adopté de la part des parents adoptifs.
La Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale stipule que l’adoption internationale ne devrait être pratiquée qu’en dernier ressort. Or, seuls treize pays africains ont ratifié cette convention et, à part l’Afrique du Sud, aucun des cinq pays plaçant le plus d’enfants à l’adoption (Ethiopie, Nigeria, République démocratique du Congo, Afrique du Sud et Mali) n’en est signataire.
Les participants à la conférence d’Addis Abeba ont appelé les Etats africains à harmoniser leur législation nationale avec les instruments internationaux des droits de l’homme et à mettre en place un système complet de protection de l’enfance.
Notes