L’encouragement à l’intégration est instrumentalisé
La discussion politique sur la limitation de l’immigration des pays de l’Union européenne et des pays tiers influence les débats sur la bonne intégration des étrangers. Elle se reflète en effet dans la révision du Conseil fédéral de la loi sur les étrangers et l’intégration.
Le Conseil fédéral souhaite réglementer de manière plus contraignante le droit de l’intégration des étrangers à tous les niveaux –Confédération, cantons et communes. Le projet de révision partielle de la loi sur les étrangers et de cinq lois spéciales a été soumis à la consultation fin novembre 2011.
Une bonne intégration nécessite une volonté réciproque, aussi bien des immigrants que de la société qui les accueille. On attend des étrangers, conformément à leur responsabilité personnelle, qu’ils s’efforcent activement de s’intégrer et soient capables de se faire comprendre dans la vie quotidienne dans l’une des langues nationales. Désormais, les conjoints et les enfants d’un état tiers devront démontrer qu’ils ont des connaissances d’une langue nationale ou s’inscrire dans un cours de langue s’ils veulent entrer en Suisse au titre du regroupement familial.
Les articles 42 – 44 du projet de révision de la loi sur les étrangers et l’intégration conditionnent l’octroi ou la prolongation du regroupement familial en Suisse à des connaissances linguistiques ou à l’inscription à un cours de langue. Caritas Suisse considère cette condition comme inadmissible et inadéquate s’agissant de la gestion de l’immigration. Ce critère supplémentaire n’est pas conforme à la Constitution fédérale et au droit international et il ne fait que durcir encore les inégalités de traitement qui existent déjà entre les nationaux et les citoyens des pays de l’UE/AELE d’une part, les citoyens de pays tiers et les citoyens des pays de l’UE/AELE d’autre part. L’économie suisse va dépendre à l’avenir de l’établissement en Suisse de citoyens de pays tiers hautement qualifiés. Il n’est pas approprié de rendre les conditions d’immigration plus difficiles pour ces personnes et les membres de leur famille, ni d’assortir cette immigration de conditions supplémentaires qui, en soi, représentent une violation du droit légal au respect de la vie de famille tel qu’il est inscrit dans la convention européenne des droits de l’homme.
En outre, la révision prévoit que l’instrument de la convention d’intégration doit être employé dans tous les cas, et notamment pour couvrir les cas où les autorités compétentes repèrent un déficit d’intégration. La volonté de la personne étrangère de conclure une convention d’intégration deviendrait une condition de l’octroi et de la prolongation de l’autorisation de séjour. Il est incontestable que les étrangers provenant de pays tiers sont plus nombreux à entretenir des rapports de travail précaires et qu’ils sont particulièrement menacés par le chômage et la dépendance à l’aide sociale. Ils ont donc, proportionnellement, un plus grand besoin de mesures d’intégration spécifiques au sein des structures normatives (par exemple l’aide sociale, l’AI ou l’assurance-chômage), mais aussi en dehors.
Au sein des structures, la conclusion d’une convention d’intégration, si elle est accompagnée d’un coaching individuel et de mesures d’intégration, peut se révéler judicieuse. Mais dans la révision, l’emploi d’une convention d’intégration par les offices des migrations s’applique à tous les cas et la volonté de conclure une convention est instrumentalisée comme une nouvelle mesure policière. Il faut donc la refuser clairement.
On sait généralement que l’intégration n’est pas une mesure à sens unique. Toutefois, dans la révision, les devoirs de la société d’accueil ne sont jamais clairement formulés; la répartition des rôles entre cantons et communes ainsi que la coordination continuent de n’être pas claires. Cette révision n’appuie pas suffisamment un encouragement à l’intégration digne de ce nom.
* Responsable du département juridique, Caritas Suisse.