Agora

La citoyenneté au service du «vivre ensemble»

AGORA VOTATIONS • Le 4 septembre prochain, la population vaudoise se prononcera au sujet de l’initiative «Vivre et voter ici». Présentation des enjeux par les initiants.

L’initiative «Vivre et voter ici» demande l’octroi des droits politiques cantonaux aux personnes de nationalité étrangère vivant depuis au moins dix ans en Suisse et trois ans dans le canton. Sur le plan communal, ces droits ont été introduits en 2003 avec la nouvelle constitution.
Si l’on en croit les opposants à l’initiative, celle-ci viderait la nationalité de sa substance: lorsqu’une personne souhaite participer aux processus démocratiques, alors elle doit impérativement passer par la naturalisation.
On notera tout d’abord le caractère souvent outrancier, voire parfois carrément injurieux de cet argument: «la nationalité est bradée à des profiteurs qui n’ont rien fait pour la mériter» nous disent en substance les tracts distribués par les adversaires de l’initiative. Rappelons que les personnes visées par l’initiative contribuent tout autant que les Suisses à la prospérité du canton: elles paient leurs impôts, participent au financement des assurances sociales, etc. Elles sont ainsi, tout autant que les Suisses, concernées par les décisions politiques prises au niveau cantonal, comme le choix du système scolaire, le niveau de fiscalité, le développement des infrastructures, etc.
On relèvera surtout que le lien automatique établi entre citoyenneté et nationalité ne repose sur aucun fondement, ni historique, ni juridique.
Au moins depuis les Lumières, on retrouve des traces d’une volonté de dissocier la citoyenneté de la nationalité. Au XIXesiècle, par exemple, la plupart des Etats américains –fortement marqués par l’immigration– connaissaient le principe «no taxation without representation»: celui qui paye des impôts doit pouvoir participer aux processus démocratiques, quelle que soit sa nationalité. En France également, la constitution du 24avril 1793 –jamais appliquée– faisait de tout étranger résident un citoyen à part entière. Actuellement, la tendance en Europe est clairement à l’élargissement des droits politiques des personnes de nationalité étrangère au niveau local. Les institutions européennes ont élaboré une série de recommandations et conventions à ce sujet.
Sur le plan juridique, la nationalité ne saurait être un critère décisif pour l’octroi des droits politiques, en particulier sur le plan local et régional. En Suisse, plusieurs cantons ont ainsi déjà franchi le pas en accordant les droits politiques aux étrangers sur le plan communal, voire même parfois sur le plan cantonal (Jura et Neuchâtel). Un autre exemple peu connu est également prégnant: dans le canton de Vaud, les Suisses d’origine vaudoise exilés à l’étranger n’ont pas les droits politiques sur le plan cantonal. Ils sont donc Suisses, mais ne sont pas citoyens cantonaux. Le critère du domicile prime ainsi celui de la nationalité. Le pendant de ce cas de figure est précisément le cas visé par l’initiative «Vivre et voter ici»: un étranger domicilié depuis longtemps en Suisse devrait être titulaire des droits politiques sur le plan cantonal.
Quant au reproche selon lequel l’initiative se bornerait à accorder des droits aux étrangers sans les devoirs qui les accompagnent (notamment le service militaire), il procède d’une erreur de raisonnement. Pour la citoyenneté cantonale, il convient de se pencher sur les devoirs cantonaux et non fédéraux. A cet égard, force est de constater que la nationalité n’est pas un motif de dispense pour l’obligation d’assumer une tutelle, ni pour l’obligation de servir en tant que sapeur-pompier qui avait cours jusqu’à la fin de l’année 2010.
Plus fondamentalement, l’initiative «Vivre et voter ici» ouvre un débat de société au sujet de la manière dont nous voulons organiser le «vivre ensemble» dans le canton. Je ne veux pas d’une politique qui divise les résidents en terre vaudoise en catégories: d’un côté ceux qui sont nés Suisses ou le sont devenus, de l’autre ceux qui ne le sont pas. Je veux que chaque membre de la communauté trouve la place qui lui revient et puisse avoir son mot à dire dans la vie de la cité. Pour la première fois depuis longtemps, nous avons l’opportunité de nous prononcer sur un objet de politique migratoire qui n’est pas une initiative humiliante ou stigmatisante pour les étrangers. Glissons un grand OUI dans l’urne et montrons ainsi notre attachement à un renforcement de la démocratie.
 

* Coprésident du comité d’initiative «Vivre et voter ici», député vert au Grand Conseil vaudois.

Opinions Agora Raphaël Mahaim

Connexion