Écologie

Malheur des uns et bonheur des autres

Au cours des 540 millions d’années de l’histoire de la Terre, la diversité des êtres vivants a toujours connu des épisodes de profond changement. Aujourd’hui, on part du principe que la vie sur notre planète a été marquée par sept extinctions massives d’espèces. «Il est frappant de voir que ces extinctions se sont toujours produites à un moment où la diversité des espèces se situait à un niveau très bas», note Hugo Bucher, professeur de paléozoologie à l’Université de Zurich. Celles qui se sont éteintes étaient déjà peu répandues, occupaient une niche écologique de façon hyperspécialisée et étaient sensibles au stress dû à certaines modifications de leur environnement.
Ainsi, il y a quelque 250 millions d’années, lors du passage du Permien au Trias, une éruption volcanique dans l’actuelle Sibérie a sonné le début de l’extinction massive la plus importante que la Terre ait connue. «Cette éruption volcanique a laissé son empreinte dans les sédiments du monde entier», explique Helmut Weissert, professeur de géologie à l’EPFZ. Une empreinte que les chercheurs déterminent à partir du rapport isotopique du carbone dans les sédiments de cette époque, c’est-à-dire du rapport entre atomes lourds et atomes légers de carbone.
L’écoulement des masses de lave a laissé s’échapper d’immenses quantités de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère et le climat s’est réchauffé très rapidement: les déserts se sont étendus, la circulation océanique s’est affaiblie. En même temps, l’augmentation des quantités de CO2 dissoutes dans la mer a acidifié l’eau, entraînant l’extinction de 95% des espèces marines. Les conséquences pour les organismes vivant sur la terre ferme ont été un peu moins dramatiques.
Helmut Weissert souligne que les extinctions massives ont toujours été accompagnées de différents changements dans l’environnement. Le chercheur à l’impression que le débat actuel sur le climat se concentre beaucoup trop sur le réchauffement. Selon lui, les effets sur l’acidification des océans d’une hausse du taux de CO2 dans l’atmosphère ne sont pas assez pris en considération. Il faudrait par exemple surveiller la croissance du plancton car les chaînes alimentaires d’écosystèmes marins entiers en dépendent.

«L’histoire montre que le monde vivant se rétablit après une extinction massive, souligne Hugo Bucher. Les espèces avantagées sont celles qui évoluent le plus vite et réussissent à occuper les niches qui se sont libérées.» Ainsi, quelques millions d’années après l’éruption volcanique de la fin du Permien, la Terre abritait autant d’espèces qu’avant la catastrophe, mais plus les mêmes. Ce sont les coquillages, les escargots, les crustacés et les coraux modernes qui se sont répandus. Ils dominent aujourd’hui encore dans les mers du globe.
Cet exemple témoigne du rôle ambivalent de ces épisodes dans l’histoire de la vie: certains organismes s’imposent tout en anéantissant les alternatives qui auraient autrement pu trouver leur place. «A chaque extinction massive, les cartes de l’évolution sont donc redistribuées, conclut Hugo Bucher. La vie continue, mais dans une nouvelle configuration.» RÉGINE DUDA/FNS

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