Écologie

L’OMC ENNEMIE DU CLIMAT

RÉSISTANCES (I) – Sur fond de crise globalisée, de juteux marchés s’ouvrent aux firmes transnationales au prétexte de la lutte pour l’environnement. A la veille des prochaines joutes mondiales sur le commerce et le climat1, les milieux écologistes et altermondialistes se mobilisent. Tour d’horizon des enjeux environnementaux et sociaux, par la coordination Climat et justice sociale.

Quand Rome brûlait, Néron jouait du violon… Les résultats scientifiques sont chaque fois plus alarmants. Le climat change encore plus vite que prévu. Même si les Etats réalisaient sérieusement les réductions proposées jusqu’ici – ce qui paraît de moins en moins probable –, il n’est pas sûr que la planète éviterait un emballement du processus aux conséquences inimaginables pour toute la biosphère. Pas étonnant, puisque, malgré les accords de Kyoto, les émissions de gaz à effet de serre augmentent plus vite que jamais!
Pourquoi cet échec? Essentiellement parce que les beaux principes de Kyoto ont été subvertis par l’introduction de «mécanismes de marché» qui tendent à transformer la lutte contre le changement climatique en un nouveau commerce aux profits – et dégâts – potentiellement gigantesques. En particulier, la possibilité d’éviter de réduire les émissions énormes du Nord (les pays industrialisés sont responsables pour 75% des émissions cumulées) en achetant des «crédits carbone» au Sud a ouvert la porte à toute une gamme de manipulations très rentables, mais sans effet sur le climat. Selon une étude de l’Université de Stanford, les deux tiers de ces opérations, baptisés «mécanisme de développement propre» (MDP), n’ont fourni en réalité aucune réduction des émissions. Mais était-ce vraiment le but?

La plupart des propositions officielles pour le climat créeraient surtout de vastes marchés pour les grandes entreprises transnationales: le nouveau marché du carbone, des appropriations de terre par millions d’hectares pour la culture d’agrocarburants OGM, le retour des méga barrages, du nucléaire et autres technologies «propres». De plus, les bénéfices sur tous ces nouveaux marchés seraient plus ou moins assurés par les Etats à travers des subventions, des avantages fiscaux, ainsi que des «crédits» carbone attribués de manière arbitraire.

Tout en invoquant le climat, ces politiques ne font que prolonger celles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). C’est «business as usual»: étendre encore le contrôle des géants transnationaux sur les ressources vitales de l’agriculture, de la forêt et de l’énergie; continuer de piller à bon compte les ressources du Sud – à présent y compris leur part de CO2!

Surtout, il s’agit d’éviter la seule solution réelle: une réduction radicale des émissions des pays développés. Selon les scientifiques, celle-ci devrait être non pas de 20%, mais de 40% d’ici 2020 pour éviter un emballement du réchauffement. Mais cela obligerait à remettre en question le modèle économique actuel, basé sur la surconsommation, la surexploitation – autant des personnes que de la nature – et la croissance sans fin, qui a fait dévier notre biosphère vers la catastrophe. Mais, on préfère la fuite en avant: plus de méga projets industriels et agricoles, plus de manipulations génétiques –voire des modifications artificielles de l’atmosphère ou des mers – et surtout plus de profits.
Les politiques officielles pour le climat dans la droite ligne de celles de l’OMC
Pour l’oligarchie mondiale, le climat n’est que la poursuite du profit par d’autres moyens. Elle compte ainsi relancer la mondialisation, un nouveau cycle d’accumulation capitaliste «verte». Les bouleversements de la biosphère ne seraient que l’occasion de faire dépendre notre survie même de sa technologie et de son pouvoir. Encore une fois les peuples du Sud seraient les principales victimes du génocide planétaire qui s’annonce.

Quant aux politiques de l’OMC, non seulement elles ont eu des conséquences néfastes pour le climat, mais elles bloquent quatre des solutions réelles:
– le retour à une agriculture de proximité respectant l’environnement;

– la relocalisation plus générale de la production;

– la protection des droits des peuples de la forêt;

– la suspension des droits de propriété intellectuelle pour les techniques renouvelables et d’atténuation du changement climatique pour les pays en développement.
Plus généralement, la contradiction fondamentale entre les règles de l’OMC et les exigences de la lutte contre le changement climatique crée un «effet glaçant» sur cette dernière, autant sur le plan national qu’international. Les gouvernements sont réticents par rapport à toutes les réglementations environnementales susceptibles d’être remises en question par les accords de libre échange. En effet, ces règlements sont régulièrement invalidés en tant que «discriminations commerciales» ou «restrictions déguisées» du commerce. Les solutions favorisant les grandes entreprises sont ainsi – et c’est la raison d’être de l’OMC – systématiquement favorisées, au détriment des mesures visant à une baisse effective des émissions.

Pour sauver le climat, il faudra maîtriser les forces derrière l’OMC. Climat et justice sociale! Comme disait Gandhi, «There is enough for each man’s need, but not for each man’s greed» – notre planète peut satisfaire les besoins de tous, mais pas l’avidité infinie de certains. I

* Climat et Justice Sociale (CJS) (www.climatjusticesociale.org), une composante de la Coordination Anti-OMC2009, organise des actions et des réflexions à Genève sur les enjeux climatiques depuis 2008. Au-delà de Copenhague, CJS milite localement pour l’engagement de Genève dans une réduction massive de ses émissions à effet de serre. Le mouvement manifestera aussi le 12 décembre, dans le cadre d’une journée d’actions mondiales pour Copenhague.

Pour en savoir plus:

«Changer le commerce, pas notre climat!» du réseau OWINFS: www.climatjusticesociale.org

«Pour une justice écologique: Libérons le climat des marchés financiers», www.france.attac.org

1 Septième session de la Conférence ministérielle de l’OMC, à Genève, du 30 novembre au 2 décembre, et Conférence des Nations Unies sur le changement climatique, à Copenhague, du 7 au 18 décembre.

Un second volet «Résistances», consacré aux aspects socio-économiques de la crise, sera publié dans la page «Contrechamp» du vendredi 13 novembre.

Opinions Société Écologie Contrechamp Olivier De Marcellus

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