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Les «riffs» de Circle ne tournent pas rond

Résolument hors cadre, le collectif finlandais était récemment de passage en Suisse. Rencontre arrosée…
Les «riffs» de Circle ne tournent pas rond
TUOMAS LAURILA
Rock expérimental

Complètement fou. D’une intensité déraisonnable, mais paradoxalement cohérent de bout en bout, le show de Circle a récemment conquis un public d’abord ébahi, à l’Usine de Genève, puis au Festival Kilbi de Guin dans le canton de Fribourg. Circle, collectif à géométrie variable issu de la scène avant-gardiste finlandaise, s’inspire de diverses démarches étonnamment conciliables: la fusion progressive de Magma et autres mammouth des seventies, le hard psychédélique de Deep Purple et Hawkwind, mais aussi la répétitivité hypnotique du krautrock allemand et le minimalisme racé de Trans Am et Tortoise. Circle a eu les honneurs d’une tournée étasunienne en 2000. A l’affût de la pléthorique mais quasi introuvable discographie de cette étrange horde finlandaise, on guettait avec fébrilité son premier passage en Suisse.

Approche conceptuelle

Apprivoiser Circle s’avère plus aisé que ne le suggère la prestation scénique du groupe. Lente ascension vers une extase totale, celle-ci prend le public par surprise en prolongeant d’abord l’expectative: trônant à l’avant-scène, Mika Ratto, vocaliste, claviériste et percussionniste halluciné, t-shirt moulant et tignasse blonde disco, commande en hors d’œuvre une improvisation vocale au reste de la troupe – soit un bassiste barbu et bedonnant, pris d’un sautillement absurde lorsque ça lui chante, un guitariste rachitique capable de répéter le même motif à l’infini avant de charcuter des soli dantesques, et un batteur métronomique, imperturbable. Bien coincé dans un sofa laminé, le groupe in corpore, malgré la fatigue, semble ravi de siffler à la pelle les canettes de Lapin Kulta, sa bière nationale, que le staff de l’Usine lui a dégotté.

Première question: les origines d’une si improbable congrégation. «Circle est issu de la scène underground finlandaise, ce qui ne signifie plus grand chose aujourd’hui.» L’affable bassiste Jussi Lehtisalo, le seul à manier un anglais correct, est l’une des forces motrices du groupe. Membre fondateur de Circle, en 1991, il en édite certains albums sur son propre label, Ektro Records. Comme les autres, il flirte avec de multiples sous-genres dans des projets parallèles, notamment Pharaoh Overlord, variante stoner-rock de Circle. Et d’expliquer: «Plusieurs d’entre-nous sortent d’écoles d’art, ce qui a contribué à façonner une approche conceptuelle de la musique. Nous avons participé à des festivals de jazz, de rock, sans distinction. Désormais, seul compte le plaisir, l’instinct.» Le batteur de renchérir: «Circle répète très peu. Nous passons le plus clair de notre temps à discuter, selon l’humeur, de littérature, de cinéma, ou simplement à plaisanter. Nous avons besoin de nous sentir bien ensemble pour pouvoir improviser.»

Entre Scorpions et les Deschiens

Improvisation. Si les autoroutes soniques de l’album Prospekt (2000) suggèrent une direction claire, les récents Sunrise et Guillotine, ainsi que le live Raunio, échappent à toute logique, à coup d’hybrides digressions de folk traditionnel, d’electro bruitiste, de classic rock. Sans que la courroie ne casse. Au bout, toujours, l’ivresse. Les drogues? «Jamais!» s’exclame le guitariste, qui se dit peu enclin aux paradis chimiques… tout en sirotant plus que de raison. Une caractéristique finlandaise? «L’alcoolisme est un vrai problème de santé publique en Finlande», concède le groupe, qui se dit très attaché à son pays, à la nature, aux rapports chaleureux entre les gens.

L’humour semble une donnée importante chez Circle. qui raconte les moqueries dont sont victimes les Lapons (les «Deschiens» finlandais), avant de se lancer dans un vibrant hommage au groupe Scorpions («Le plein de bonnes vibrations!»). Comme pour mieux souligner combien casser les a priori et les formules demeure primordial. Récemment en studio avec l’Allemand Joachim Irmler, organiste des très culte Faust, Circle, tour à tour régressif et avant-gardiste, devrait continuer à publier des albums aussi éclectiques que passionnants.

Nouvel album Guillotine distribué par Irascible. Circle sur internet: www.circlefinland.com

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