On se détend
Faut-il légaliser le cannabis? L’interrogation revient souvent dans les débats politiques. La vraie question serait plutôt: qu’est-ce qui justifie la pénalisation de la production, de la vente ou de la consommation? Autour du chanvre, c’est en général la crainte des risques qui prend le dessus. La plante déchaîne les peurs, parfois irrationnelles. Dans ce domaine, la désinformation marque les discussions et les voix scientifiques qui appellent depuis des années à contrôler la substance sans la diaboliser semblent se perdre dans des déserts sans fin.
Pour justifier pareil interdit, on imagine qu’un grave danger guette les consommateurs – ou la société dans laquelle ces derniers vivent. Mais les études s’accumulent, et avec elles les preuves que la prohibition ne règle aucun problème et que le cannabis n’est pas plus néfaste que d’autres psychotropes. Surtout si on compare la fumette à d’autres habitudes bien ancrées dans notre société suisse.
Ces constats ne signifient pas que le cannabis à haut taux de THC est anodin: tout comme l’alcool ou certains médicaments, il a des effets sur notre comportement dont il faut tenir compte. S’il a été possible pour l’immense majorité de la population de comprendre qu’alcool et volant étaient incompatibles, le même enseignement sur un autre comportement à risques semble à portée de main. Cela s’appelle de la prévention, socle de toute approche anti-prohibitionniste. Un quart des moins de 15 ans ayant déjà fumé un joint au moins une fois dans leur vie, la prévention devrait être renforcée dans tous les cas, en informant de manière raisonnée, sans fantasme ni dramatisation inutiles – voire contre-productifs.
L’Uruguay ou les Pays-Bas, pour ne citer que deux exemples de pays progressistes en la matière, ne croulent pas sous le nombre des toxicomanes. Au contraire: selon une carte publiée par The Telegraph, la jeunesse hollandaise serait bien moins consommatrice qu’en France, pays plus répressif. Face à l’impossibilité de dégager un lien évident entre des politiques pénales et l’usage du cannabis, mais aussi au vu des sommes et de l’énergie considérables investies dans la guerre contre les drogues, il serait sage d’ouvrir une nouvelle page et d’aborder cette consommation comme une question de santé publique. Signe encourageant: en Suisse, plusieurs initiatives et projets pilotes explorent cette alternative.
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