En cas d’acceptation des accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne – lesquels accords méritent par ailleurs une discussion ne faisant pas l’objet de ce courrier –, les cantons opposés devraient faire sécession pour former une nouvelle confédération, estiment Ueli Maurer, ex-conseiller fédéral, et Toni Brunner, ex-président du Schweizerische Volkspartei – dénommé en Suisse romande, sans doute par antiphrase, Union démocratique du Centre (SVP-UDC).
Réagissant à cette proposition, le président de l’UDC vaudoise, Sylvain Freymond estime que ces déclarations relèvent de la «plaisanterie».
Rien de plus erroné. M. Freymond a en effet de sérieuses lacunes tant en matière d’histoire suisse que de celle de son parti.
Il y a déjà plusieurs années, une proposition similaire avait été formulée par les sections SVP-UDC des cantons de Suisse centrale. Il ne s’agit donc pas d’une «blague poussée à l’extrême». Il en existe deux versions antérieures très sérieuses, même si les événements historiques les ont fait tourner en eau de boudin…
En 1798, après la chute de l’ancienne Confédération, le général Brune commandant l’armée française d’Helvétie – avait suggéré de diviser la Suisse en trois entités: la République helvétique (Plateau suisse) et rhodanique (Suisse romande, Oberland bernois et Tessin), ainsi que la Tellgovie (Suisse centrale et Grisons).
Dans son article fort documenté, «Helvétique (République)» du Dictionnaire historique et biographique de la Suisse (DHBS), l’historien bernois Alfred Rufer (1885-1970) relevait que la proposition du général Brune suscita une levée de boucliers en faveur de l’unité helvétique.
Un demi-siècle plus tard, à la veille de la guerre du Sonderbund (1847), Konstantin Siegwart-Müller (chef du gouvernement conservateur-catholique lucernois) avait suggéré un vaste remaniement parcellaire de la Suisse, en cas de victoire de cette alliance séparée, opposée à la révision du Pacte ultra-fédéraliste de 1815: les autres cantons auraient été encerclés par les territoires (anciens et nouveaux) du Sonderbund.
Entre les ténors décatis du SVP-UDC et les défunts pontes du Sonderbund, que voilà donc d’étranges patriotes! Car les ténors mentionnés et leurs coreligionnaires se posent ordinairement chaque 1er août en valeureux défenseurs de la patrie – qu’ils sont prêts à charcuter en fonction de leurs intérêts politiques… Faudra-t-il ressusciter le général Dufour pour les remettre au pas, comme ce fut le cas en 1847?
Hans-Peter Renk,
Le Locle (NE)