C’est un fait: la connaissance progresse, nos sociétés sont de plus en plus ouvertes et diverses, et pourtant la xénophobie et le racisme prospèrent. Dans la confrontation de tous contre tous orchestrée par le capitalisme, les démagogues s’emploient à désigner les boucs émissaires de la fracture sociale – le plus souvent l’autre, l’étranger. C’est dans ce contexte que la Suisse se dote, pour la première fois, d’une stratégie globale et coordonnée contre le racisme et l’antisémitisme. La Confédération veut préserver la cohésion sociale en réaffirmant des principes cardinaux tels que le respect, l’égalité, la justice et l’inclusion. Pas des vains mots pour qui subit la violence de la discrimination raciale.
Le Conseil fédéral désigne à raison l’exclusion comme ferment des discours de haine qui menacent l’ordre démocratique. Il estime urgent de mettre en place des contre-stratégies face à la dissémination des théories conspirationnistes racistes et antisémites. A l’heure des graves dysfonctionnements révélés notamment au sein de la police, saluons la volonté de renforcer la prévention et de soutenir la recherche pour changer en profondeur «la culture institutionnelle et lutter contre le racisme structurel». Anti-Noir, anti-juif ou anti-musulman, ciblant Yéniches, Manouches/Sintés ou Roms, le racisme est pris en compte dans sa pluralité.
Voilà pour les intentions. Le plan d’action concret devra, lui, être élaboré en 2026. Nul doute que l’extrême droite tentera d’en affaiblir la portée en invoquant la liberté d’opinion, comme elle l’avait fait contre la norme pénale antiraciste, adoptée en 1994, puis contre son extension pour inclure l’homophobie et la transphobie, en 2020.
Plus discrètes mais non moins dangereuses, les tentatives de criminaliser la solidarité avec le peuple palestinien, et son aspiration légitime à l’autodétermination, se fondent sur l’amalgame entre antisionisme et antisémitisme. Le premier conteste une idéologie politique ayant pour corollaire l’apartheid et le suprémacisme, alors que le second est une forme de racisme à combattre.
La Cicad, Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation, entretient cette confusion au risque d’affaiblir la lutte antiraciste. Ses rapports annuels censés servir de référence en matière de monitoring n’hésitent pas à cibler «l’extrême gauche radicale» et la campagne BDS de boycott et sanctions en tant que «danger pour la communauté juive», au même titre que l’extrême droite.
Réagissant à la nouvelle stratégie fédérale, la Cicad appelait hier la Suisse à adopter la très contestée «définition de travail» de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA). Cette définition, dont se réclame la Fédération suisse des communautés israélites, pratique une assimilation délétère entre «les juifs» et Israël, alors même que l’Etat hébreu, engagé dans une guerre génocidaire à Gaza et l’annexion illégale de la Cisjordanie, est de plus en plus contesté au sein des communautés juives mondiales. Charge aux milieux antiracistes et à la gauche, en premier lieu, de rester mobilisés. Pour faire de cette stratégie fédérale un outil cohérent contre toutes les formes de discrimination.