La campagne autour de l’initiative pour l’avenir est finie. Le faible score final dans les urnes n’est pas surprenant. Il reflète clairement la gargantuesque campagne du «non» à l’initiative. Celle-ci a été menée à l’unisson par toutes les organisations qui défendent le statu quo qu’est le système inégalitaire et meurtrier actuel. Au-delà de la prise de position des partis politiques, ce sont en effet toutes les organisations qui gravitent autour du grand capital qui ont activement participé à l’assaut contre notre projet de justice sociale et climatique. Le grand patronat n’a pas mobilisé seulement ses moyens financiers à travers une campagne à plusieurs millions, mais aussi clairement tout le reste de son arsenal de propagande.
La capacité d’influence des ultra riches, à nouveau révélée dimanche, passe par un contrôle des moyens d’information. Les deux plus grands groupes de presse en Suisse, TX Group (20 Minutes, Le Matin, Tribune de Genève, etc.) et Ringier (Blick notamment), appartiennent à des familles de milliardaires. Il n’est donc pas étonnant que cette initiative portant directement atteinte à leurs intérêts matériels personnels ait été la cible d’un matraquage médiatique quasiment inédit, comme le montre un rapport du Centre de recherche Public et société (fög) de l’Université de Zurich. Au-delà de la négativité des articles, la prise de position des médias bourgeois s’est surtout incarnée dans la reprise à l’identique du narratif de droite.
Au lieu de parler de la crise climatique, de loin la plus grande crise de l’histoire de l’humanité, les médias ont choisi de parler des pauvres «entreprises familiales» qui pèsent plusieurs dizaines de millions et n’ont de familial que la succession. Au lieu d’informer sur le dépassement planétaire, sur les risques qui attendent la population en lien avec le dérèglement climatique ou encore sur l’inaction de nos politiques, les journaux bourgeois se sont concentrés sur les pertes fiscales. Et, finalement, en place de la responsabilité des plus riches dans cette destruction complète de nos conditions d’existence, nous n’avons entendu que des menaces antidémocratiques sur leur prétendue fuite.
Or, l’attention médiatique qui n’a pas été portée sur la question environnementale et sociale n’est pas sans conséquences. Si nous poursuivons dans la direction actuelle, celle d’une politique climatique bourgeoise qui met la responsabilité sur les individus et ne remet pas en question le mode de production capitaliste, nous nous dirigeons vers un monde invivable. Les profits des plus riches ont un coût, et la population va devoir le payer. Les conditions de vie des plus précaires vont être mises à mal. La chaleur va devenir insupportable pour les travailleur·euses en extérieur. Une grande partie des logements, non adaptés aux températures extrêmes, vont devenir inhabitables durant les canicules. Les sans-abri vont subir les catastrophes climatiques de plein fouet. Ainsi, la politique climatique actuelle, menée par les riches, leurs lobbies et leurs médias, nous impacte et nous impactera toujours plus violemment! Les responsables de cette politique ont une quantité inimaginable de sang sur les mains. Au niveau global, la seule pollution de l’air cause déjà plus de 8 millions de morts par an. En Suisse, la hausse de la chaleur liée au changement climatique emporte plus de 300 personnes par an, principalement des personnes fragilisées socialement ou au niveau de leur santé.
Il est donc urgent de s’engager pour une transformation écologique et sociale de notre économie, pour que cela ne soit plus aux travailleuses et travailleurs de payer, mais bien à celles et ceux qui polluent le plus: les plus riches. L’initiative pour l’avenir proposait d’investir le résultat de l’impôt sur l’héritage dans les services publics, le travail et le logement. L’intérêt d’un tel impôt ciblé était de montrer publiquement qu’une politique verte n’est pas une attaque contre les intérêts de la population, mais au contraire nécessaire au développement et au maintien des conditions matérielles d’existence. Il est désormais clair que la croissance économique n’améliore plus la qualité de vie, mais qu’une décroissance ciblée et choisie démocratiquement est la seule solution viable. Continuons donc dans la brèche qu’a ouverte l’initiative et ne séparons plus jamais crise sociale et crise écologique. La lutte contre la crise climatique ne découle pas d’un principe moral de protection de l’environnement, c’est une question de survie pour les classes populaires. Ce cinglant échec dans les urnes nous révèle que le camp bourgeois est organisé contre toute tentative de renverser le système, alors faisons mieux. Organisons-nous, formons-nous et continuons la lutte!
Julien Berthod est vice-président de la Jeunesse socialiste Suisse.