Tout cela sent le roussi. Le Conseil d’Etat genevois a annoncé ce mercredi, à l’issue de sa séance plénière hebdomadaire, que des «restrictions temporaires des manifestations» pourront être décrétées durant tout le mois de juin 2026. Ceci en raison du G7 qui se tiendra à Evian du 14 au 16 juin. Pour l’heure, seules les manifestations sportives, culturelles et festives sont concernées. Les rassemblements politiques étant évoqués par la bande.
Cette annonce a été faite via communiqué, dans une discrétion certaine et avec des arguments fleurant bon la langue de bois. De fait, nos questions envoyées à l’exécutif cantonal ont reçu des réponses éludant soigneusement les points qui fâchent.
Et ceux-ci sont nombreux. Pourquoi un mois de restrictions alors que le sommet se tiendra sur trois jours seulement? Quels seront les critères déterminants pour autoriser telle ou telle manifestation? La Grève féministe du 14 juin sera-t-elle affectée? Quid des manifestations anti-G7? Tout cela reste nimbé d’un flou artistique.
Car des contestations de ce sommet des maîtres du monde sont prévisibles. Interdire un cortège contre cette rencontre est très certainement contraire à la liberté d’expression. On reste sur la déplaisante impression qu’un ballon d’essai vient d’être envoyé pour tester la réactivité des mouvements sociaux. C’est à un jeu dangereux que se livre le gouvernement genevois. Jouera-t-il la montre en cas de demande d’autorisation de manifester? Y mettra-t-il des conditions inacceptables? Nul doute que des mesures liberticides seront combattues par voie de droit. Mais les délais permettront-ils alors de garantir la tenue de ces événements?
On se rappelle qu’en 2003, la tenue du G8 dans la cité thermale avait vu moult débordements, saccages dans les rues Basses, et avait durablement traumatisé le monde politique. Cela avait contribué à la disgrâce de la libérale Micheline Spoerri, alors conseillère d’Etat.
On peut donc comprendre que certaines précautions soient prises. Mais si celles-ci aboutissent à une suspension des libertés publiques, cela conduira au pire. Car il est illusoire de croire que les mouvements sociaux rentreront dans leur coquille, au vu de l’urgence de certains enjeux comme la crise climatique ou la situation au Proche-Orient. Cela conduira tout simplement à des manifestations sauvages, plus difficiles à canaliser.
La garantie des libertés publiques doit être une priorité des démocraties. Pour l’heure, c’est un rideau de fumée qui nous est servi. De quoi inquiéter quant à la défense prioritaire des droits fondamentaux.