L’inégalité devant les soins dentaires en Suisse est un symptôme particulièrement révélateur des inégalités économiques et sociales générales en matière de santé. Ces soins sont en effet largement exclus de l’assurance maladie obligatoire. Le fait que la majorité des soins dentaires (prévention, traitements des caries, prothèses, orthodontie, etc.) ne soient pas couverts par l’assurance de base signifie que les frais sont directement à la charge du patient (sauf exceptions liées à des maladies graves ou à l’aide sociale). En Suisse, 90% des frais dentaires sont ainsi payés par les ménages eux-mêmes, contre 55% en moyenne dans les pays de l’OCDE. Une étude des Hôpitaux universitaires de Genève [relayée par la RTS] a révélé qu’un·e Genevois·e sur quatre renonce à se soigner pour des raisons financières.
L’initiative socialiste «Pour des soins dentaires accessibles à toute la population» propose une réponse concrète: un chèque annuel de 300 francs, pour faciliter le contrôle, le détartrage et la prévention. Elle crée aussi un poste de médecin-dentiste cantonal·e pour coordonner une vraie politique publique de santé dentaire dès la petite enfance.
Le coût, très souvent prohibitif, des soins dentaires pousse une partie de la population, notamment les personnes à faible revenu ou sans formation post-obligatoire, à éviter ou à remettre à plus tard les traitements nécessaires. En outre, ces mêmes personnes sont plus enclines à éviter le contrôle annuel préventif chez le dentiste ou l’hygiéniste, ce qui entraîne une aggravation plus rapide et plus coûteuse de leur santé bucco-dentaire à long terme.
Miroir des inégalités sociales
Les statistiques montrent un lien direct entre le statut socio-économique et l’état de la dentition. Les personnes ayant un faible niveau de formation ont une santé bucco-dentaire moins bonne. Par exemple, chez les 25-64 ans, les personnes sans formation post-obligatoire ont une proportion de dentition naturelle complète significativement inférieure à celles ayant une formation tertiaire. Une mauvaise santé bucco-dentaire peut avoir un impact majeur sur la qualité de vie, la confiance en soi et l’intégration sociale et professionnelle (difficulté à manger, douleurs, impact sur l’apparence et le langage). Ces conséquences aggravent la précarité et créent un cercle vicieux.
L’inégalité dentaire est un indicateur global, car la santé bucco-dentaire est étroitement liée à l’état de santé général. Les infections et inflammations de la bouche peuvent être des facteurs de risque pour des maladies systémiques graves, comme les maladies cardiovasculaires ou le diabète. Ainsi, le renoncement aux soins dentaires pour des raisons financières chez les personnes défavorisées reflète l’accès inégal à la santé et à la formation et souligne que les déterminants sociaux (revenu, éducation, profession) structurent fortement l’état de santé en Suisse.
Des études du Département de l’instruction publique (DIP) révèlent que 34% des élèves de milieux modestes ont des caries à soigner, alors que la proportion d’enfants de milieux aisés dans la même situation (15%) est plus de deux fois inférieure. Le besoin de soins dentaires est bien supérieur dans les communes ou les quartiers de Genève dont la population est issue de milieux modestes ou allophones. Une moins bonne qualité de nourriture, une plus grande exposition au sucre ainsi qu’une moins bonne hygiène dentaire – souvent due à une carence dans la prévention – en sont la cause.
Un chèque annuel de 300 francs et un·e médecin-dentiste cantonal·e chargé·e de coordonner le dispositif permettront de cibler les actions de prévention sur les territoires les plus exposés au risque de caries. On assurera aussi un meilleur contrôle sur une corporation aux pratiques et tarifs hétérogènes et quasi incontrôlés. C’est pourquoi l’Association des médecins-dentistes de Genève (AMDG) a soutenu la création de ce poste.