Loin des mythes et des légendes, la Bretagne d’Anne Berest est celle des champs, des combats partagés et des héritages invisibles. Finistère ne raconte pas une province, mais une résistance: celle des vies en apparence ordinaires, confrontées au temps, au silence et à la maladie. A mi-chemin entre l’enquête et la méditation, le récit se déploie comme la traversée d’une histoire à la fois intime et politique. De la Seconde Guerre mondiale à Mai 68 et jusqu’à aujourd’hui, l’autrice relie la mémoire collective – bretonne et française – à celle, plus silencieuse, de sa propre filiation.
Dans une prose sobre et maîtrisée, Anne Berest refuse le pathos, tout en laissant transparaître, malgré la distance, l’attachement qui l’unit à son père. «Toute ma vie, j’ai regardé mon père comme un mystère», écrit-elle, résumant toute l’ambiguïté et la complexité de leur relation. La narration, construite par fragments, alterne souvenirs intimes, récits rapportés, éléments de contexte historique et réflexions personnelles. Le livre progresse par cercles concentriques plutôt que de manière linéaire: chaque retour, chaque digression éclairent subtilement un pan différent du mystère paternel. Cette structure suggère la difficulté à dire un héritage silencieux, transmis de génération en génération par des «Bretons taiseux».
Sans chercher le spectaculaire ni exagérer l’émotion, Anne Berest fait de la colère, de la frustration et de la tendresse nées du silence la matière même de son livre. L’autrice, comme nous, reste alors sur le seuil, face à un mystère qui ne se résout jamais tout à fait.
Cette chronique a été écrite par une étudiante en Lettres de l’université de Genève, dans le cadre de l’atelier d’écriture animé par Marko Vuketic et Pierre Bellon.