Alam1>Tous les prénoms mentionnés sont des prénoms d’emprunt., originaire d’Afghanistan, arrive en Suisse à l’âge de 17 ans. Il demande l’asile après avoir subi des violences en Grèce, où il avait reçu le statut de réfugié. Au cours de sa procédure, plus de douze rapports médicaux indiquent un état de stress post-traumatique et des idées suicidaires. Les médecins recommandent un suivi spécialisé et donnent un pronostic très défavorable en cas d’absence de traitement. Ils soulignent un fort risque de décompensation et de passage à l’acte suicidaire en cas de renvoi. Faisant fi de ces indications, les autorités suisses attendent sa majorité pour lui donner une non-entrée en matière, au motif que le statut de réfugié lui aurait été reconnu en Grèce, considéré comme un Etat tiers sûr. Alam dépose un recours auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF) contre cette décision. Quelques mois plus tard, le TAF rejette le recours et confirme la décision du SEM. Suite à cet arrêt, Alam met fin à ses jours2>Cas n°459, ODAE romand..
Ethan, lui, est né en 2006 en Guinée. Après avoir perdu ses parents, puis sa grand-mère qui l’avait pris en charge, il quitte le pays avec un oncle. Séparé de ce dernier, il arrive comme requérant d’asile mineur non accompagné (RMNA) en Suisse en 2023. Il a alors 16 ans. Durant les mois qui suivent et jusqu’à sa majorité, Ethan conserve un permis N (procédure d’asile en cours). Pendant ce temps, il reprend ses études et entame un certificat fédéral de capacité d’employé de commerce. Ayant une santé mentale fragile, il reçoit une prise en charge médicale régulière. Ce n’est que deux ans plus tard, à 18 ans, qu’il reçoit finalement une décision négative à sa demande d’asile et l’annonce de son renvoi vers la Guinée3>Cas n°509, ODAE romand..
Les histoires d’Alam et Ethan ne sont que deux exemples parmi d’autres d’une problématique bien connue des milieux de défense du droit d’asile. De nombreux jeunes, reconnu∙es mineur∙es – ce qui est déjà un enjeu en soi – voient leurs procédures s’éterniser en attente de leur majorité. Pour cause, selon les accords de Dublin et d’autres accords de réadmission, les RMNA sont généralement protégé·es contre le renvoi. Il arrive donc très souvent qu’iels doivent attendre de nombreux mois, voire des années dans une incertitude complète quant à leur futur, alors que, selon le droit suisse, leurs procédures devraient être traitées en priorité.
Lorsque la décision arrive, c’est un véritable coup de massue, alors qu’iels ont entamé une reconstruction psychique et sociale en Suisse, ont repris des études, se sont fait un réseau et tentent de se construire un avenir. Quand seul leur âge est pris en compte et non leur parcours, la décision des autorités viole manifestement le principe de proportionnalité, c’est-à-dire la pesée des intérêts entre l’intérêt public à l’exécution du renvoi et l’intérêt de la personne concernée à poursuivre son séjour en Suisse.
Plus encore, la décision de renvoi vers un autre pays européen ou vers le pays d’origine peut entraîner des conséquences dramatiques, réactiver des traumas et, dans les cas les plus tragiques, amener un passage à l’acte suicidaire. La pratique des autorités dans ces situations est en totale inadéquation avec l’objectif prépondérant de protection des jeunes personnes en demande d’asile. Alors que la population résidente en Suisse a droit à un traitement privilégié jusqu’à 25 ans, notamment lorsqu’elle est en études, il est grand temps que nos autorités cessent de traiter des jeunes de 18 ans – souvent fortement vulnérabilisé∙es – comme des adultes autonomes sans besoin de protection particulière. A ce titre, il est plus qu’urgent que les expertises médicales soient prises en compte à leur juste valeur et que les renvois soient jugés inexigibles en cas de contre-indication.
Notes