La colère monte, face au silence complice de la Suisse, après deux ans de génocide à Gaza et malgré le fragile cessez-le-feu entré en vigueur vendredi. Samedi à Berne, près de 10’000 personnes ont dénoncé l’absence de volonté d’appliquer des sanctions contre Israël, de rompre toute collaboration économique, financière et militaire. Elles ont aussi déploré le refus inexplicable de reconnaître l’Etat de Palestine. L’épisode récent de l’abandon de la flottille Global Sumud a enfoncé le clou: les participant·es suisses devront payer leur rapatriement par la Confédération, alors que leur action tentait de rompre le blocus illégal imposé par Israël à Gaza, au péril de leur vie. Le Conseil fédéral n’aura même pas daigné condamner l’arrestation et l’incarcération de ses propres ressortissant·es.
Les violences qui ont émaillé la manifestation sont regrettables. Ne serait-ce que parce qu’elles ont mis en danger la sécurité des personnes, à commencer par celle des manifestant·es venu·es en nombre et en famille protester contre le génocide à Gaza. Quant au restaurant incendié, il ne pouvait en aucun cas être assimilé aux institutions qui cautionnent et financent la politique criminelle d’Israël. Il faudra établir précisément l’enchaînement des événements afin de déterminer les responsabilités.
Reste qu’après la gestion calamiteuse de la manifestation du 2 octobre dernier à Genève, ces incidents confirment une tendance inquiétante et contre-productive: la restriction du droit de manifester – particulièrement contre un génocide, le crime le plus grave en droit international. Pourquoi avoir imposé un barrage policier aussi drastique aux abords de la place Fédérale, samedi, puis encerclé la manifestation en vue d’isoler les «black blocs», tel que l’affirme la police bernoise, au risque de susciter la confrontation?
Que le cortège n’ait pas fait l’objet d’une demande d’autorisation préalable ne signifie pas qu’il ait été illégal, la liberté de manifester étant un droit internationalement garanti. Nasser et maintenir dans le froid des centaines de personnes, souvent jeunes, durant de longues heures, et prolonger les contrôles jusqu’au dimanche matin, apparaît largement disproportionné. Une enquête d’Amnesty International sur ces pratiques est en cours, basée sur les images et informations recueillies sur place, et dans la foulée.
Oui, la colère grandit. L’absence d’impact des mobilisations pacifiques ne pourra que l’amplifier. Et la répression policière n’apportera aucune réponse. Seul un changement de cap drastique est susceptible de sauver ce qui peut l’être, dans la déconfiture morale et politique incarnée par le Conseil fédéral.