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Pour une politique alimentaire cantonale

Depuis 2023, le droit à l’alimentation est garanti par la constitution genevoise. Après le lancement début octobre d’une consultation sur le projet de loi d’application, René Longet, membre du comité de pilotage chargé de la mise en œuvre du droit à l’alimentation, espère une entrée rapide dans la phase de concrétisation.
Genève 

Devant l’industrialisation croissante de la production agro-alimentaire, nivelant le goût et les couleurs, les biotopes, paysages et les paysans eux-mêmes (en 35 ans la moitié des exploitations ont disparu en Suisse, celles subsistantes doublant de surface), l’intérêt public commande de réagir. En juin 2020, le rapport final du Programme national de recherche «Alimentation saine et production alimentaire durable» (PNR 69) soulignait que «les régimes alimentaires prévenant les maladies chroniques et dégénératives sont aussi bénéfiques pour l’environnement». La même année, l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) confirmaient cette convergence dans leurs principes directeurs pour un «régime alimentaire sain et durable»1> https://tinyurl.com/yx34wx88.

Face à la remise en question des régulations environnementales et des constats scientifiques en matière de santé publique, il convient de souligner que les préconisations alimentaires ne sont pas des immixtions de l’Etat dans la sphère privée, mais bien un enjeu de société. Il en va de même pour les 3,7 milliards de francs dévolus annuellement au soutien de la production agricole.

Les réflexes alimentaires s’acquièrent très tôt dans la vie, et sont très clairement socio-culturellement connotés, la malbouffe frappant en tout premier lieu les milieux défavorisés. Le discours sur la «liberté de choix» trouve ses limites dans ces conditionnements acquis depuis la prime jeunesse et devrait conduire à tout faire pour les éviter2> L’AGPG organise le 29 octobre une table ronde sur ce sujet: agpg-gout.ch.

En juin 2022, le Conseil fédéral relevait que «la population suisse se nourrit de manière non équilibrée, consommant trop de sucre, de sel, d’alcool, de graisses animales et de viande, et pas assez de produits laitiers, de légumineuses, de fruits et de légumes». Ce constat l’a conduit, en septembre 2023, à proposer une meilleure relation entre protéines animales et végétales. Ce printemps, peu après l’actualisation des recommandations nutritionnelles suisses, paraissait la Stratégie suisse de nutrition 2025-2032.3> https://tinyurl.com/2tfeka42 Mais attention, les lobbies veillent. Même un outil d’information comme le Nutri-Score n’a pas passé la rampe.

Un vote à concrétiser. En juin 2023, c’est à une majorité des deux tiers que le peuple genevois acceptait la proposition du parlement cantonal d’inscrire dans la constitution le droit à une alimentation «adéquate». La commission parlementaire avait donné quelques indications sur la signification de cet adjectif: «L’Etat est invité à favoriser une production locale, saine, produite dans des conditions socialement et écologiquement justes», sachant que par Etat il faut entendre le canton mais aussi les communes et les institutions de droit public, telles que les SIG, les TPG ou encore l’IMAD.

Le Département de la cohésion sociale avait réagi rapidement en constituant au lendemain du vote un Comité de pilotage (Copil) relatif au droit à l’alimentation réunissant les acteurs des secteurs privés, publics et associatifs. Après un peu plus d’un semestre d’échanges et de travaux, le Copil validait 18 recommandations en vue de la législation d’application. Depuis, un avant-projet de loi sur l’alimentation et la précarité alimentaire a circulé et une consultation publique avait été évoquée, avant que le Conseil d’Etat arrête dans un second temps une proposition à l’attention du parlement cantonal.

Ce dernier n’a pas seulement été à l’origine de l’article constitutionnel, mais s’est régulièrement positionné pour une alimentation adéquate. En 2020 en déposant une initiative cantonale auprès du parlement fédéral pour une réduction des teneurs en sucre des aliments industriels4> R 910, émanant de la commission de la santé du Grand Conseil., en 2023 pour protéger les enfants contre la promotion excessive des sucreries5> Motion 2888A, émanant du MCG. et en 2025 pour défendre le Nutri-Score6> Motion 3109, émanant du Centre.. Nous attendons donc avec impatience le résultat de la consultation sur le projet de loi d’application, afin que celle-ci puisse être adoptée d’ici… le 18 juin 2026, jour anniversaire du vote populaire.

Notes[+]

René Longet est coprésident de l’Association genevoise pour la promotion du goût (AGPG), antenne genevoise de la semaine suisse du goût, membre du Copil relatif au droit à l’alimentation.