Plus de 67’000 Palestinien·es tué·es, dont près de 20’000 enfants. Probablement beaucoup plus, car les statistiques ne tiennent compte que des victimes recensées, dans un territoire où les services publics sont réduits à néant. S’y ajoutent près de 170’000 blessé·es, dont des milliers d’amputé·es, et une population entière souffrant de malnutrition, voire de famine pure et simple. Des déplacements incessants, des infrastructures presque entièrement détruites, une scolarisation quasi inexistante. Tel est le bilan, cataclysmique, de la guerre génocidaire conduite par Israël à Gaza depuis deux ans. Un «tsunami de douleur», décrivait début 2024 le Dr Ghassan Abu Sitta, chirurgien spécialisé dans les blessures de guerre, de retour d’une mission bénévole sur place.
Qu’ajouter à ce constat? Que dire d’autre que l’effarement, l’abattement? Et le trauma. Celui, en premier lieu, de la population palestinienne, à Gaza comme en Cisjordanie où se joue une annexion à bas bruit. Celui des civil·es du Sud-Liban, aussi, et partout où Israël fait usage de sa force, sans discrimination, illustration d’un hubris gonflé par le protecteur et fournisseur d’armes étasunien.
Trauma qui, par rebond, est aussi le nôtre, citoyen·nes du monde abasourdi·es devant cet anéantissement consenti par nos gouvernements; humanitaires et soignant·es confronté·es à l’insignifiance des vies palestiniennes; journalistes ciblé·es à Gaza dans l’exercice de leur fonction, ici souvent assigné·es au silence, voire harcelé·es; ou spécialistes du droit confronté·es au piétinement des normes communes censées protéger les plus vulnérables. Le génocide à Gaza agit comme un séisme, un révélateur de toutes les compromissions avec le projet israélien, ce capitalisme colonial sans aucune morale, parfaitement soluble dans le techno-fascisme promu aux Etats-Unis, avec l’assentiment de ses alliés.
La Suisse n’est pas en reste, comme nous avons choisi de le mettre en évidence en ce 7 octobre. Jadis soutien zélé du régime d’apartheid sud-africain, notre belle Helvétie commerce sans vergogne avec Israël, business as usual, quoi qu’il en coûte en vies palestiniennes. Produits issus des colonies sur les étals de nos supermarchés, investissements d’UBS dans le marchand d’armes Elbit Systems (dont les drones sont testés sur les civil·es de Palestine), placements de la Banque nationale suisse aux conséquences directes sur le génocide en cours; même des caisses de pension dans les cantons sont impliquées.
Comment en serait-il autrement, quand le chef du Département des affaires étrangères, Ignazio Cassis, et à sa suite l’ensemble du collège gouvernemental, maintient un silence complice avec Israël en dépit d’une «tradition humanitaire» affichée?
Ces dernier jours, ce sont les participant·es suisses à la flottille internationale Sumud qui auront pu en faire l’expérience. Mais pas de quoi entamer leur détermination, au contraire. Car la leçon positive des deux années écoulées, s’il fallait en tirer une, est celle d’un mouvement global de solidarité que rien ne saurait arrêter. Partie des campus, relayée dans les rues semaine après semaine, la vague a porté des navires humanitaires à quelques encablures de Gaza, après les tentatives au sol par l’Egypte. Des échecs qui n’en sont pas. Car si l’espoir d’un cessez-le-feu renaît aujourd’hui, c’est en large partie le fruit de l’indignation et de la mobilisation populaires croissantes face au génocide. A elles de faire monter encore la vague, pour que le massacre enfin s’arrête – et que justice soit faite.