Dans une récente tribune publiée par Le Courrier, Dominique Ziegler s’attaque une nouvelle fois à la CICAD. Mais il ne la critique pas: il la fantasme. Depuis plus d’une décennie, il ressasse les mêmes accusations, recycle les mêmes textes, martèle les mêmes obsessions. Dans Le Courrier comme dans la Tribune de Genève, sa cible est constante: la CICAD et son secrétaire général. Et ses procédés sont toujours les mêmes: insinuer, déformer, caricaturer.
En 2011 déjà, il signait dans Le Courrier un texte intitulé «Manœuvre perverse», dans lequel il affirmait que la CICAD «brandit l’antiracisme d’une main pour mieux légitimer la politique ségrégationniste d’un Etat colonialiste de l’autre». Ce texte avait aussitôt trouvé un relais zélé: Hani Ramadan. Dans une tribune intitulée «Genevois et Suisses, méfiez-vous de la CICAD!», publiée le 6 décembre 2011, ce dernier saluait «les excellents propos» de Ziegler et dénonçait notre organisation comme un «organe de propagande sioniste». Quand un discours prétendument intellectuel entre en parfaite résonance avec celui d’un militant islamiste, il y a plus qu’un malentendu: il y a une dérive.
Son «Scandale CICAD», publié le 24 septembre, s’inscrit dans une longue série de textes à charge publiés au fil des années, toujours animés par la même obsession. Mais ce qui frappe aujourd’hui, c’est la convergence qu’elle révèle. Fort du soutien d’Hani Ramadan, d’autres figures, cette fois politiques, que tout opposerait en temps normal – Sylvain Thévoz à gauche, Mauro Poggia à droite – adoptent la même ligne: celle d’un rejet frontal de la CICAD, nourri par la suspicion, l’accusation et le soupçon. Ils ne partagent ni les idées ni les partis, mais ils convergent dans une hostilité commune.
Et pourquoi dérange-t-elle, la CICAD? Parce qu’elle identifie et dénonce les expressions contemporaines de l’antisémitisme, telles que reconnues par les instances internationales, y compris selon la définition de travail adoptée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA). Parce qu’elle rappelle que l’antisémitisme mute, se camoufle, s’adapte aux récits dominants, tout en poursuivant les mêmes logiques de stigmatisation et d’exclusion. Ce travail dérange ceux qui veulent conserver une impunité idéologique. Ceux qui détournent les luttes anticoloniales pour y glisser, consciemment ou non, de vieux préjugés antijuifs. Ceux qui refusent de voir quand l’engagement bascule dans l’obsession.
Ziegler s’en donne à cœur joie. Il exhume des publications anciennes, cite sans contexte, mélange le passé et le présent, parle de propagande, de subventions occultes, de dîners politiques. Il ne démontre rien, mais il suggère tout. Il ne remet pas en question nos actions avec rigueur, il les tourne en dérision. Il ne débat pas, il diffame.
La réalité est pourtant simple: la CICAD agit. Depuis plus de trente ans, elle documente les actes antijuifs, alerte les institutions, forme les acteurs de terrain, produit des ressources pédagogiques. Elle se mobilise aux côtés des victimes que Ziegler et ses acolytes de circonstance tentent d’invisibiliser. Elle leur donne une voix, un appui, une protection. Elle ne parle au nom d’aucun Etat, ne défend aucun agenda diplomatique. Elle œuvre pour une cause universelle: celle de la vigilance face à la haine, d’où qu’elle vienne. Tout cela pourquoi? Parce que, comme institution issue des communautés juives suisses, la CICAD refuse d’endosser le costume que certains voudraient lui tailler: celui du «bon juif», docile, silencieux. Dès lors que nous refusons cette injonction, nous devenons les parias à abattre, les figures haïes. Mais il n’y aura pas de «bons juifs» comme il n’y aura pas de «bons Arabes», de «bons musulmans» ou de «bons Noirs»: il n’y a que des êtres humains égaux en dignité, qu’aucune grille idéologique ne devrait trier.
Oui, cela dérange. Et cela dérangera encore. Mais nous ne nous tairons pas. Et nous ne laisserons pas passer, sans réponse, les calomnies répétées. Le Courrier, déjà en 2011, avait donné tribune à cette rhétorique hostile. Faut-il vraiment, en 2025, recommencer les mêmes batailles pour rétablir les faits?
La CICAD n’a qu’un agenda: la défense de la dignité humaine et la lutte contre l’antisémitisme. Ce n’est ni un prétexte, ni un masque. C’est un engagement.