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L’amitié avec Israël vaut bien un génocide

Hugues Poltier est indigné par le récent vote du Conseil des Etats contre la reconnaissance de l’Etat palestinien.
Suisse

Le Conseil des Etats donne le ton et fixe la ligne de notre politique étrangère: pas de reconnaissance de l’Etat de Palestine, pas de sanctions contre Israël. Ainsi en ont décidé les sénateurs les 10 et 11 septembre 2025. Le second point était peut-être encore plus important que le premier, largement symbolique en l’état, Gaza étant méthodiquement rasée par Israël, et la Cisjordanie quotidiennement violentée par des colons galvanisés par l’impunité que leur assurent les autorités politiques et judiciaires israéliennes, elles-mêmes au bénéfice d’une impunité internationale à laquelle nos autorités contribuent plus que complaisamment. Des sanctions décidées et fortes auraient peut-être contribué à inciter les Israéliens à plus de retenue.

Mais notre Chambre haute a vigoureusement et fermement rejeté toute idée de sanction, et confirmé le maintien de tous les accords et contrats existants. Ce faisant, en toute connaissance de cause – imaginer qu’elle puisse ne pas savoir est juste surréaliste –, elle approuve et donne son blanc-seing au génocide à Gaza et à l’épuration ethnique en Cisjordanie. Elle fait de notre pays un complice de ces crimes contre l’humanité, les plus graves qui soient.

Elle ne peut pas ne pas savoir, non plus, que telle est la portée de sa décision – comme nous, citoyen·nes de ce pays, comprenons parfaitement que notre neutralité s’est convertie en complicité ouverte. Ainsi notre pays dit à Israël qu’il peut tout faire à sa guise et selon son bon plaisir; que quelque voie qu’il choisisse, nous demeurerons indéfectiblement à ses côtés, contre la «barbarie du Hamas» – quand bien même la barbarie d’Israël pourrait être bien pire…

Donc pour notre Chambre haute, un génocide doublé d’une épuration ethnique ne justifie pas de prendre des sanctions contre son auteur. Et s’il en est ainsi, ce n’est pas à raison de ses actions mais de qui il est: notre allié, seule «démocratie du Proche-Orient», pont avancé de l’Europe dans cette Arabie hostile. Israël, citadelle assiégée et morceau d’Europe qu’il faut protéger à tout prix, y compris par le massacre. Comme le dit Merz, «Israël fait le sale boulot pour nous»1> Propos tenus par le chancelier allemand, Friedrich Merz, après le bombardement par Israël des sites nucléaires iraniens.. Sale boulot: mater et éliminer en masse ces barbares qui pullulent «là-bas»; pour nous: les blancs caucasiens «judéo-chrétiens», légitimes maîtres du monde et de ses ressources… qui doivent demeurer sous notre contrôle.

Notre Chambre haute a démontré au moins ceci: elle est sur la même ligne que Merz et juge que cet impératif relègue aux égouts la considération des droits humains bafoués et mutilés par Israël à de nombreuses reprises. Car enfin, n’est-ce pas, ce ne sont que des Palestinien·nes… Combien d’alliés, combien de divisions, combien de contrats en perspective? Zéro! Donc… ils ne manqueront à personne et leur extermination est sans coût et sans risque.

Telle est la ligne de notre Chambre haute: pour elle, ne comptent qu’influence et affaires sonnantes et trébuchantes. Des humains sans «valeur» (marchande)? On peut en «disposer» sans dommages… Tel est le message de nos sénateurs: entre les affaires et les droits humains, notre cœur ne balance pas, les seconds nous balançons…

Notes[+]

Hugues Poltier, Lausanne.