Skip to content

Le Courrier L'essentiel, autrement

Je m'abonne

Combattre la violence politique

Charlie Kirk était non seulement ultraconservateur, anti-IVG, LGBTQ+-phobe et pro-armes, il professait aussi un racisme suprémasciste. KEYSTONE
Violence politique

Qu’on ne s’y trompe pas. Si la violence politique ne va qu’augmenter, et la polarisation s’accroître avec l’assassinat de Charlie Kirk – une très mauvaise nouvelle pour le débat démocratique –, ce n’est pas un emblème de la liberté d’expression qui a été visé, mercredi dernier, sur le campus de Utah Valley. L’influenceur millionnaire comptait non seulement parmi les soutiens les plus actifs du président Trump, mais son discours d’une virulence inouïe n’aurait pas dépareillé dans la bouche des pires incendiaires néofascistes.

Charlie Kirk était non seulement ultraconservateur, anti-IVG, LGBTQ+-phobe et pro-armes comme toute la Magasphère, il professait aussi un racisme suprémasciste – blanc et masculiniste – à faire froid dans le dos. Le réseau redoutablement efficace qu’il avait créé, Turning Point USA, s’adonnait à une chasse aux sorcières contre les enseignant·es, intellectuel·les et journalistes opposé·es à son projet de société. Interrogé par Democracy Now, le commentateur progressiste Mehdi Hasan, étasunien et britannique, s’est souvenu que Charlie Kirk appelait à «révoquer son visa» (sic) et à le «renvoyer dans son pays d’origine». A l’heure des déportations massives aux Etats-Unis, qui plongent des communautés entières dans l’effroi, et alors que Trump rêve de déchoir ses opposant·es de leur nationalité, la menace est à prendre au sérieux.

Pour l’heure, le flou demeure autour de l’affiliation politique et du mobile de Tyler Robinson, le suspect de 22 ans arrêté pour le meurtre de Charlie Kirk. Une certitude: si la violence politique n’est pas l’apanage exclusif de l’extrême droite, les statistiques laissent peu de place au doute. L’Anti-Defamation League a recensé les meurtres à caractère politique des vingt dernières années, et relève que l’écrasante majorité d’entre eux (93%) sont le fait de l’extrême droite, le reste se partageant entre gauche et islamistes. En 2024, pour la troisième année consécutive, ces actes étaient tous motivés par le suprémacisme blanc. Attribuer sans preuve l’assassinat de Charlie Kirk à la gauche radicale, comme l’a fait Trump, est une manipulation crasse et dangereuse, tout comme le tweet d’Elon Musk clamant que «la gauche est le parti du crime» – venant d’un admirateur du nazisme, l’outrance devrait faire sourire.

Malheureusement, on assiste bien à une gradation dans la violence, une prophétie que d’aucuns voudraient autoréalisatrice: le basculement dans un chaos profitant aux forces réactionnaires. Les plus de 110’000 Britanniques qui ont répondu à l’appel du militant anti-immigration Tommy Robinson, samedi à Londres, ont entendu le message que leur adressait Elon Musk: face au «virus woke» et à la «violence de la gauche», a-t-il prévenu, «soit vous ripostez, soit vous mourez.»

Les petits jeux politiciens et ambiguïtés complices sont des tactiques suicidaires. Il y a urgence, dans nos espaces encore démocratiques, à nommer la menace réactionnaire et, surtout, à la combattre.