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Un cadeau fiscal pour les proprios?

Un non dans l’urne participerait à faire barrage aux inégalités toujours plus criantes, tout en évitant de mettre des bâtons dans les roues de la transition énergétique de l’immobilier. KEYSTONE
Valeur locative

Le 28 septembre prochain, le sort de la valeur locative sera scellé dans les urnes. Cet impôt inconnu des locataires a tendance à donner de l’urticaire aux propriétaires. Au point que la droite tente de l’abolir depuis des années, le jugeant injuste. Pourtant, cette taxe vise à corriger une inégalité. «La valeur locative est considérée comme un revenu en nature. Cela signifie que le propriétaire ne perçoit pas de revenu monétaire sous forme de loyer, mais qu’il bénéficie néanmoins d’un avantage économique en habitant dans son propre bien immobilier», explique même la banque Raiffeisen à ses client·es sur son site.

Avec l’abolition de la taxe, toute une panoplie de déductions disparaîtrait aussi, faisant craindre, à juste titre, un frein à la transition énergétique. En Suisse romande, une partie de la droite a d’ailleurs rejoint la gauche dans le combat contre la suppression de cet impôt, craignant un ralentissement des rénovations et donc de l’activité du secteur de la construction, ainsi qu’une prolifération du travail au noir.
Avec la suppression de la valeur locative, les collectivités publiques perdraient 1,8 milliard de francs par an, selon l’administration fiscale fédérale. Le calcul a été fait avec un taux de référence moyen de 1,5%. La perte sera d’autant plus importante avec le taux actuel à 1,25%. Le bénéfice se retrouvera, de facto, dans les poches des propriétaires.

Toutes et tous ne roulent actuellement pas sur l’or et la valeur locative pèse particulièrement lourd sur les épaules des retraité·es, qui ont amorti en grande partie leur prêt hypothécaire et voient leurs possibilités de déductions fiscales limitées. Il n’empêche. En Suisse, l’accès à la propriété reste réservé à une catégorie privilégiée, qui a pu se constituer un patrimoine et ne subit pas la pression de loyers toujours plus élevés. Les deux tiers de la population sont locataires et ne tireront aucun bénéfice de l’abolition de la valeur locative. Une part croissante de leur revenu est consacrée à se loger, une charge qui ne concerne pas les propriétaires.

Faut-il supprimer des recettes fiscales au moment où cantons et Confédération multiplient déjà les économies? Cela paraît tout sauf judicieux. Ce trou dans les finances publiques aura des conséquences néfastes. Au vu des majorités actuelles, des baisses de prestations touchant les plus vulnérables sont plus probables que des augmentations d’impôts. Pour ne pas trop froisser les régions alpines, qui seraient particulièrement touchées par l’abolition de la valeur locative, le parlement donne la possibilité aux cantons d’instaurer un impôt sur les résidences secondaires. Rien n’assure pourtant que ceux-ci les mettront en œuvre. Et cela ne représenterait qu’une maigre compensation.

Au vu de la complexité du sujet, de l’intitulé nébuleux sur le bulletin de vote – lequel ne mentionne que l’impôt sur les résidences secondaires –, l’abstention risque d’être la grande gagnante le 28 septembre prochain. L’enjeu mérite pourtant qu’on s’y penche sérieusement. Un non dans l’urne participerait à faire barrage aux inégalités toujours plus criantes, tout en évitant de mettre des bâtons dans les roues de la transition énergétique de l’immobilier.

Dossier Complet

Votations fédérales du 28 septembre 2025

La population suisse doit se prononcer sur deux objets: l'arrêté fédéral relatif à l’abolition de la valeur locative; et la loi fédérale sur l’identité électronique (E-ID). Retrouvez...

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