En pleine pause estivale, on a appris que le gouvernement vaudois prévoyait d’opérer des coupes drastiques dans la santé dès 2026, mettant à mal les établissements sanitaires qui bénéficient le plus des «prestations d’intérêt général» (PIG), qui sont des subventions directes et qui représentent entre 500 et 600 millions de francs par an. Certes, le Conseil d’Etat vaudois nous dit depuis six mois que ses finances vont mal, qu’il faut économiser; et c’est là que le Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) a vu la meilleure ligne budgétaire où raboter des millions.
Avec quelles conséquences? Tout d’abord, voyons à quoi correspondent ces PIG. Il s’agit d’un mécanisme de financement pour des missions spécifiques de santé publique prévu depuis 2012, défini clairement dans la modification de la Loi fédérale sur l’assurance maladie (LAMal) d’alors. La loi révisée avait introduit un changement radical dans la planification hospitalière. Chaque canton devait établir sa liste d’hôpitaux publics mais aussi privés – qui, dès 2012, bénéficient eux aussi d’un financement de l’Etat. Les cantons prenaient à leur charge 55% de la facture hospitalière, les assureurs 45%, passant dès lors du principe du remboursement des coûts à un système de prix. La rémunération des traitements stationnaires s’effectue depuis lors par le biais de forfaits par cas liés aux prestations, basés sur des structures tarifaires uniformes pour l’ensemble de la Suisse.
Pour compliquer encore la donne, le projet de financement uniforme des prestations EFAS, voté en novembre 2024, introduit un financement dit moniste où les prestations à l’hôpital et en ambulatoire seront financées de la même manière – 26,9% par les cantons et 73,1% par les assurances. Mais cela ne change rien aux fameuses PIG. Ces prestations rémunèrent le maintien des capacités hospitalières pour des raisons de politique régionale et d’équité dans l’accessibilité à la santé, la recherche et la formation universitaire. Les cantons, qui sont souverains en termes de politique sanitaire, n’ont pas tous investi les mêmes sommes en PIG. Le canton de Vaud a fait le choix de maintenir des structures de soins de proximité, en particulier dans la Vallée de Joux ou le Pays d’Enhaut, et de soutenir le CHUV et la faculté de Médecine de l’Université de Lausanne pour en faire le pôle d’excellence qu’il est réellement.
La droite politique n’a eu de cesse de critiquer ces PIG, et la Cour des comptes du canton a établi un rapport en 2023 qui pointait un flou dans l’utilisation de ces subventions et parfois dans la gouvernance des institutions bénéficiaires. Depuis, le DSAS a accompagné les conseils de fondation dans le sens voulu par la Cour des comptes et de grands changements ont été opérés.
Tout le monde y a mis du sien en cherchant à trouver comment allier qualité des soins de proximité et rigueur budgétaire. Ainsi au Pays d’Enhaut, 15 personnes ont été licenciées ou leur poste n’a pas été renouvelé en 2024 et un pilotage à moyen terme était clairement défini. Mais avec l’annonce de 4,6 millions de subvention en moins pour 2026, soit une diminution de 23% par rapport à 2025, l’avenir de cette structure hospitalière (qui d’ailleurs a de plus en plus l’allure d’une permanence médicale dotée de 12 lits que d’un hôpital «classique») est franchement menacé. La vision très économiciste du DSAS, telle qu’exprimée par la cheffe du Département, se focalise seulement sur les coûts et ne parle pas des prestations à conserver à proximité ou qui vont disparaître dans les zones reculées du canton. La droite, cynique, critique maintenant l’annonce des coupes du Conseil d’Etat – où elle est majoritaire, soit dit en passant –, elle qui les a appelées de ses vœux depuis plus de dix ans.
Soyons clairs: sans les PIG, la qualité de l’enseignement de la médecine va être touchée et l’accessibilité aux soins – donc l’équité face à la maladie – va être mise à mal. Et c’est un pan important de la politique de santé publique menée depuis vingt ans dans le canton de Vaud qui est attaquée – par une ministre socialiste…
Le débat n’est pas clos. La bataille politique est lancée sur fond de diminution d’impôts. Où est la recherche du bien commun et de la cohésion sociale dans ce genre de décision – sans parler de la manière et du moment choisi qui donnent l’impression que l’on ne veut pas écouter? Et ne me dites pas que ces coupes se feront sans diminution de prestations.