Des familles d’enfants frontaliers exclus de l’enseignement à Genève contre-attaquent. Deux recours ont été déposés ce lundi. Et le parlement cantonal sera saisi une nouvelle fois. L’affaire n’est pas toute neuve, elle date de 2019. Les actions en droit annoncées lundi ne concernent qu’une queue de comète: la décision intempestive de mettre fin à une pratique annoncée consistant à laisser les fratries déjà scolarisées à Genève finir leur formation. En l’occurrence, la justice avait déjà validé sur le fond cette politique globale voulue par le Conseil d’Etat visant à exclure les élèves frontaliers de l’enseignement obligatoire.
Il peut certes paraître curieux qu’une prestation fondamentale – le droit à l’école sur le lieu de travail – soit refusée à une famille imposée fiscalement sur le canton de Genève. Le droit semble pour l’instant pencher en direction de la nouvelle politique voulue par le gouvernement du bout du lac. Mais on peut aussi craindre un retour de bâton. L’impôt à la source – géré par un accord datant de 1973 – pourrait un jour en souffrir. Ne serait-ce qu’en raison du fait que les futur·es exilé·es en terres françaises vont être davantage tenté·es de conserver une adresse fictive au bout du lac.
Deuxième réserve: on fait payer aux enfants des choix de vie décidés par les parents. Le tout pour une affaire de gros sous. Mais un doigt dans un engrenage dangereux. Les Oncles Picsou du Conseil d’Etat vont-ils soudain feindre de découvrir d’autres sources d’économies? Par exemple les enfants des travailleur·euses clandestin·es, eux-aussi hors du champ légal donnant droit à des prestations?
Enfin, troisième remarque: ce changement de pratiques initié il y a six ans constitue bien un virage à 180 degrés par rapport au discours officiel alors en cours. Il n’y a pas si longtemps, le collège gouvernemental plaidait au contraire pour une scolarisation dans nos écoles des proches riverains au nom d’une «identité genevoise» qui ne devait pas être dissoute dans le centralisme hexagonal. Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. Mais le fait de changer d’avis n’est pas forcément un gage de clairvoyance. Economiser dans le domaine de la formation et procéder à un repli sur les strictes frontières géographiques consiste à relever les remparts que la révolution radicale de 1846 avait jetés à terre. Cela a un petit goût de repli conservateur bien dans l’air du temps, un os jeté aux partis populistes. Rien de très glorieux.