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Eviter le piège tendu de l’union sacrée

La présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter et le conseiller fédéral Guy Parmelin accueillis au Département d'Etat, à Washington, mercredi 6 août. KEYSTONE
Droits de douane

Une Suisse sous le choc. Le président étasunien Donald Trump a imposés des taxes de 39% sur les importations en provenance de la Suisse. Bien plus que les 15% de l’Union européenne ou les 10% signifiés au Royaume-Uni. C’est d’abord un compagnonnage idéologique et historique qui est de la sorte jeté aux orties. La Suisse s’est toujours considérée comme un pays frère des Etats-Unis, en raison d’une proximité de valeurs et institutionnelle. A commencer par l’élection à la proportionnelle, partiellement inventée dans la seconde moitié du XIXe siècle par le Genevois Ernest Naville, avec des échanges notables dans le monde anglo-saxon et outre atlantique1>Dominique Wisler, La Démocratie genevoise, Genève, Georg, 2008, 279 pp.. C’est ainsi une certaine idée du libéralisme qui a été poignardée le 1er août par Donald Trump.

Mais ce sont bien sûr les impacts économiques qui sont le plus redoutés. Les Etats-Unis représentent 18% des exportations suisses. Ce chiffre imposant doit être contextualisé. La pharma et l’or représentent à eux seuls 60% de ce commerce, et ils ne sont pas concernés par ces taxes. Pour l’heure. A terme, ils pourraient bien sûr également être touchés par la colère trumpienne. Mais ils ont quelques moyens d’y échapper la Slovénie abrite d’ores et déjà une partie des stocks de cette puissante industrie.

Une fois le vent de panique retombé, il s’agira de ne pas se laisser imposer des mesures antisociales au nom de l’union sacrée de la patrie. Car une petite musique venue du monde patronal s’est fait entendre dans la seconde qui a suivi l’annonce des nouveaux droits de douane. L’appel à l’impératif sacrificiel pour défendre la place économique suisse est décliné sur tous les tons: ne chargeons pas la barque de l’AVS, haro sur les salaires, réduisons le rôle de l’Etat, renonçons au taux minimal d’imposition de 15% des grandes entreprises voulu par l’OCDE et n’exigeons aucune mesure renforçant la protection des salarié·es dans le cadre des bilatérales III en négociation avec l’Union européenne.

La pharma, que Guy Parmelin et Karin Keller-Sutter ont emportée dans leur voyage éclair à Washington, commence également à montrer les dents, voire à recourir à des mesures que l’on peut assimiler à du chantage. En l’occurrence, sur la question des prix usuriers des médicaments, Donald Trump n’a pas tout tort, même s’il ne prend pas les mesures de régulation qui s’imposeraient, des abus bien pires étant d’ailleurs commis aux Etats-Unis.

La gauche et les syndicats seraient donc bien inspirés de ne pas tomber dans le piège que lui tendent, la bouche en cœur, les milieux économiques. Lorsque l’on entend l’antienne «nous devons faire des sacrifices», le sens réel de cette exhortation est bien: «Vous devez faire des sacrifices pour maintenir nos profits».

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